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II. LIVRE, SCÈNES DE LA VIE DE PROVINCE.

— Pourquoi donc, dit madame Camusot, monsieur le Président est-il parti ? Je gage que son absence concerne monsieur Camusot.

— Précisément. Voici, monsieur, le cactus le plus original qui existe, dit-il en montrant dans un pot une plante qui avait l’air d’un rotin couvert de lèpre, il vient de la Nouvelle-Hollande. Vous êtes bien jeune, monsieur, pour être horticulteur.

— Quittez vos fleurs, cher monsieur Blondet, dit madame Camusot, il s’agit de vous, de vos espérances, du mariage de votre fils avec mademoiselle Blandureau. Vous êtes la dupe du Président.

— Bah ! dit le juge d’un air incrédule.

— Oui, reprit-elle. Si vous cultiviez un peu plus le monde, et un peu moins vos fleurs, vous sauriez que la dot et les espérances que vous avez plantées, arrosées, binées, sarclées, sont sur le point d’être cueillies par des mains rusées.

— Madame !…

— Ah ! personne en ville n’aura le courage de rompre en visière au Président en vous avertissant. Moi, qui ne suis pas de la ville, et qui, grâce à ce brave jeune homme, irai bientôt à Paris, je vous apprends que le successeur de Chesnel a formellement demandé la main de Claire Blandureau pour le petit du Ronceret, à qui ses père et mère donnent cinquante mille écus. Quant à Félicien, il promet de se faire recevoir avocat pour être nommé juge.

Le vieux juge laissa tomber le pot qu’il avait à la main pour le montrer à la duchesse.

— Ah ! mon cactus ! ah ! mon fils ! Mademoiselle Blandureau !… Tiens, la fleur du cactus est cassée !

— Non, tout peut s’arranger, lui dit madame Camusot en riant.

Si vous voulez voir votre fils juge dans un mois d’ici, nous allons vous dire comment il faut vous y prendre…

— Monsieur, passez là, vous verrez mes pélargonium, un spectacle magique à la floraison. Pourquoi, dit-il à madame Camusot, me parlez-vous de ces affaires devant votre cousin ?

— Tout dépend de lui, riposta madame Camusot. La nomination de votre fils est à jamais perdue si vous dites un mot de ce jeune homme.

— Bah !

— Ce jeune homme est une fleur.

— Ah !