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LES RIVALITÉS: LE CABINET DES ANTIQUES.

piliers du salon du Croisier. Monsieur Félicien du Ronceret, avec qui votre neveu peut frayer sans trop se compromettre (il lui faut des compagnons), eh ! bien, ce jeune homme est le conseiller de toutes ses folies, lui et deux ou trois autres qui sont du parti de votre ennemi, de l’ennemi de monsieur le Chevalier, de celui qui ne respire que vengeance contre vous et contre toute la noblesse. Tous espèrent vous ruiner par votre neveu, le voir tombé dans la boue. Cette conspiration est menée par ce sycophante de du Croisier qui fait le royaliste, sa pauvre femme ignore tout, vous la connaissez, je l’aurais su plus tôt si elle avait des oreilles pour entendre le mal. Pendant quelque temps, ces jeunes fous n’étaient pas dans le secret, ils n’y mettaient personne ; mais, à force de rire, les meneurs se sont compromis, les niais ont compris, et, depuis les dernières escapades du comte, ils se sont échappés à dire quelques mots quand ils étaient ivres. Ces mots m’ont été rapportés par des personnes chagrines de voir un si beau, un si noble et si charmant jeune homme se perdant à plaisir. Dans ce moment, on le plaint, dans quelques jours il sera… je n’ose….

— Méprisé, dites, dites, Chesnel ! s’écria douloureusement mademoiselle Armande.

— Hélas ! comment voulez-vous empêcher les meilleures gens de la ville, qui ne savent que faire du matin jusqu’au soir, de contrôler les actions de leur prochain ? Ainsi, les pertes de monsieur le comte au jeu, ont été calculées. Voilà, depuis deux mois, trente mille francs d’envolés ; et chacun se demande où il les prend. Quand on en parle devant moi, je vous les rappelle à l’ordre ! Ah ! mais… Croyez-vous, leur disais-je ce matin, si l’on a pris les droits utiles et les terres de la maison d’Esgrignon, qu’on ait mis la main sur les trésors ? Le jeune comte a le droit de se conduire à sa guise ; et tant qu’il ne vous devra pas un sou, vous n’avez pas à dire un mot.

Mademoiselle Armande tendit sa main sur laquelle le vieux notaire mit un respectueux baiser.

— Bon Chesnel ! Mon ami, comment nous trouverez-vous des fonds pour ce voyage ? Victurnien ne peut aller à la Cour sans s’y tenir à son rang.

— Oh ! mademoiselle, j’ai emprunté sur le Jard.

— Comment, vous n’aviez plus rien ! Mon Dieu, s’écria-t-elle, comment ferons-nous pour vous récompenser ?

— En acceptant les cent mille francs que je tiens à votre disposi-