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— C’est le courtier d’une maison qui fait le monument funéraire, et qui voudrait obtenir la commande d’une tombe où il se propose de sculpter trois figures en marbre, la Musique, la Peinture et la Sculpture versant des pleurs sur le défunt.

— C’est une idée, reprit Fraisier. Le bonhomme mérite bien cela ; mais ce monument-là coûtera bien sept à huit mille francs.

— Oh ! oui !

— Si monsieur Schmucke fait la commande, ça ne peut pas regarder la succession, car on pourrait absorber une succession par de pareils frais…

— Ce serait un procès, mais on le gagnerait…

— Eh bien ! reprit Fraisier, ça le regardera donc ! C’est une bonne farce à faire à ces entrepreneurs… dit Fraisier à l’oreille de Villemot, car si le testament est cassé, ce dont je réponds… ou s’il n’y avait pas de testament, qui est-ce qui les payerait ?

Villemot eut un rire de singe. Le premier clerc de Tabareau et l’homme de loi se parlèrent alors à voix basse et à l’oreille ; mais, malgré le roulis de la voiture et tous les empêchements, le garçon de théâtre, habitué à tout deviner dans le monde des coulisses, devina que ces deux gens de justice méditaient de plonger le pauvre Allemand dans des embarras, et il finit par entendre le mot significatif de Clichy ! Dès lors, le digne et honnête serviteur du monde comique résolut de veiller sur l’ami de Pons.

Au cimetière, où, par les soins du courtier de la maison Sonet, Villemot avait acheté trois mètres de terrain à la Ville, en annonçant l’intention d’y construire un magnifique monument, Schmucke fut conduit par le maître des cérémonies, à travers une foule de curieux, à la fosse où l’on allait descendre Pons. Mais à l’aspect de ce trou carré au-dessus duquel quatre hommes tenaient avec des cordes la bière de Pons sur laquelle le clergé disait sa dernière prière, l’Allemand fut pris d’un tel serrement de cœur, qu’il s’évanouit. Topinard, aidé par le courtier de la maison Sonet, et par monsieur Sonet lui-même, emporta le pauvre Allemand dans l’établissement du marbrier, où les soins les plus empressés et les plus généreux lui furent prodigués par madame Sonet et par madame Vitelot, épouse de l’associé de monsieur Sonet. Topinard resta là, car il avait vu Fraisier, dont la figure lui semblait patibulaire, s’entretenir avec le courtier de la maison Sonet.

Au bout d’une heure, vers deux heures et demie, le pauvre in-