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à la rue d’Orléans, où l’église Saint-François est située, les deux convois allèrent entre deux haies de curieux, car, ainsi qu’on l’a dit, tout fait événement dans ce quartier. On remarquait donc la splendeur du char blanc, d’où pendait un écusson sur lequel était brodé un grand P, et qui n’avait qu’un seul homme à sa suite ; tandis que le simple char, celui de la dernière classe, était accompagné d’une foule immense. Heureusement Schmucke, hébété par le monde aux fenêtres, et par la haie que formaient les badauds, n’entendait rien et ne voyait ce concours de personnes qu’à travers le voile de ses larmes.

— Ah ! c’est le Casse-noisette, disait l’un… le musicien, vous savez !

— Quelles sont donc les personnes qui tiennent les cordons ?…

— Bah ! des comédiens !

— Tiens, voilà le convoi de ce pauvre père Cibot ! En voilà un travailleur de moins ! quel dévorant !

— Il ne sortait jamais, cet homme-là !

— Jamais il n’a fait le lundi.

— Aimait-il sa femme !

— En voilà une malheureuse !

Rémonencq était derrière le char de sa victime, et recevait des compliments de condoléance sur la perte de son voisin.

Ces deux convois arrivèrent à l’église, où Cantinet, d’accord avec le suisse, eut soin qu’aucun mendiant ne parlât à Schmucke. Villemot avait promis à l’héritier qu’il serait tranquille, et il satisfaisait à toutes les dépenses, en veillant sur son client Le modeste corbillard de Cibot, escorté de soixante à quatre-vingts personnes, fut accompagné par tout ce monde jusqu’au cimetière. À la sortie de l’église, le convoi de Pons eut quatre voitures de deuil ; une pour le clergé, les trois autres pour les parents ; mais une seule fut nécessaire, car le courtier de la maison Sonet était allé, pendant la messe, prévenir monsieur Sonet du départ du convoi, afin qu’il pût présenter le dessin et le devis du monument au légataire universel au sortir du cimetière. Fraisier, Villemot, Schmucke et Topinard tinrent dans une seule voiture. Les deux autres, au lieu de retourner à l’administration, allèrent à vide au Père-Lachaise. Cette course inutile de voitures à vide a lieu souvent. Lorsque les morts ne jouissent d’aucune célébrité, n’attirent aucun concours de monde, il y a toujours trop de voitures. Les morts doivent avoir