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comme celle d’hier, il n’y aura plus de ressources !… Que voulez-vous ? à la volonté de Dieu !

Fus èdes eine cueir si honède, eine ame si pelle, que si le bère Zibod meurd nus fifrons ensemble !… dit le rusé Schmucke.

Quand les gens simples et droits se mettent à dissimuler, ils sont terribles, absolument comme les enfants, dont les pièges sont dressés avec la perfection que déploient les Sauvages.

— Eh bien ! allez dormir, mon fiston ! dit la Cibot, vous avez les yeux si fatigués, qu’ils sont gros comme le poing. Allez ! ce qui pourrait me consoler de la perte de Cibot, ce serait de penser que je finirais mes jours avec un bon homme comme vous. Soyez tranquille, je vais donner une danse à madame Chapoulot… Est-ce qu’une mercière retirée peut avoir de pareilles exigences ?…

Schmucke alla se mettre en observation dans le poste qu’il s’était arrangé. La Cibot avait laissé la porte de l’appartement entrebâillée, et Fraisier, après être entré, la ferma tout doucement, lorsque Schmucke se fut enfermé chez lui. L’avocat était muni d’une bougie allumée et d’un fil de laiton excessivement léger, pour pouvoir décacheter le testament. La Cibot put d’autant mieux ôter le mouchoir où la clef du secrétaire était nouée, et qui se trouvait sous l’oreiller de Pons, que le malade avait exprès laissé passer son mouchoir dessous son traversin, et qu’il se prêtait à la manœuvre de la Cibot, en se tenant le nez dans la ruelle et dans une pose qui laissait pleine liberté de prendre le mouchoir. La Cibot alla droit au secrétaire, l’ouvrit en s’efforçant de faire le moins de bruit possible, trouva le ressort de la cachette, et courut le testament à la main dans le salon. Cette circonstance intrigua Pons au plus haut degré. Quant à Schmucke, il tremblait de la tête aux pieds, comme s’il avait commis un crime.

— Retournez à votre poste, dit Fraisier en recevant le testament de la Cibot, car, s’il s’éveillait, il faut qu’il vous trouve là.

Après avoir décacheté l’enveloppe avec une habileté qui prouvait qu’il n’en était pas à son coup d’essai, Fraisier fut plongé dans un étonnement profond en lisant cette pièce curieuse.

ceci est mon testament.

« Aujourd’hui, quinze avril mil huit cent quarante-cinq, étant sain d’esprit, comme ce testament, rédigé de concert avec mon-