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achètera quatre pour deux mille francs, et me remettra le surplus… Mais aussi, voyez-vous, mon cher monsieur Magus, après cela, je vous fais faire, à vous et à Rémonencq, une fameuse affaire, à condition de partager les bénéfices entre nous trois. Je vous mènerai chez cet avocat, ou cet avocat viendra sans doute ici. Vous estimerez tout ce qu’il y a chez monsieur Pons au prix que vous pouvez en donner, afin que monsieur Fraisier ait une certitude de la valeur de la succession. Seulement il ne faut pas qu’il vienne avant notre vente, entendez-vous ?…

— C’est compris, dit le Juif ; mais il faut du temps pour voir les choses et en dire le prix.

— Vous aurez une demi-journée. Allez, ça me regarde… Causez de cela, mes enfants, entre vous ; pour lors, après-demain, l’affaire se fera. Je vais chez ce Fraisier lui parler, car il sait tout ce qui se passe ici par le docteur Poulain, et c’est une fameuse scie que de le faire tenir tranquille, ce coco-là.

À moitié chemin de la rue de Normandie à la rue de la Perle, la Cibot trouva Fraisier qui venait chez elle, tant il était impatient d’avoir, selon son expression, les éléments de l’affaire.

— Tiens ! j’allais chez vous, dit-elle.

Fraisier se plaignit de n’avoir pas été reçu par Élie Magus ; mais la portière éteignit l’éclair de défiance qui pointait dans les yeux de l’homme de loi, en lui disant que Magus revenait de voyage, et qu’au plus tard le surlendemain elle lui procurerait une entrevue avec lui dans l’appartement de Pons, pour fixer la valeur de la collection.

— Agissez franchement avec moi, lui répondit Fraisier. Il est plus que probable que je serai chargé des intérêts des héritiers de monsieur Pons. Dans cette position, je serai bien plus à même de vous servir.

Ce fut dit si sèchement, que la Cibot trembla. Cet homme d’affaires famélique devait manœuvrer de son côté, comme elle manœuvrait du sien ; elle résolut donc de hâter la vente des tableaux. La Cibot ne se trompait pas dans ses conjectures. L’avocat et le médecin avaient fait la dépense d’un habillement tout neuf pour Fraisier, afin qu’il pût se présenter, mis décemment, chez madame la présidente Camusot de Marville. Le temps voulu pour la confection des habits était la seule cause du retard apporté à cette entrevue de laquelle dépendait le sort des deux amis. Après sa vi-