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Cela ne suffirait pas au père Fischer ; ainsi garde-les pour Hortense, je verrai demain le maréchal.

— Pauvre ami ! s’écria la baronne en prenant les mains de son Hector et les lui baisant.

Ce fut toute la mercuriale. Adeline offrait ses diamants, le père les donnait à Hortense, elle regarda cet effort comme sublime, et elle fut sans force.

— Il est le maître, il peut tout prendre ici, il me laisse mes diamants, c’est un dieu.

Telle fut la pensée de cette femme, qui certes avait plus obtenu par sa douceur qu’une autre par quelque colère jalouse.

Le moraliste ne saurait nier que généralement les gens bien élevés et très-vicieux ne soient beaucoup plus aimables que les gens vertueux ; ayant des crimes à racheter, ils sollicitent par provision l’indulgence en se montrant faciles avec les défauts de leurs juges, et ils passent pour être excellents. Quoiqu’il y ait des gens charmants parmi les gens vertueux, la vertu se croit assez belle par elle-même pour se dispenser de faire des frais ; puis les gens réellement vertueux, car il faut retrancher les hypocrites, ont presque tous de légers soupçons sur leur situation ; ils se croient dupés au grand marché de la vie, et ils ont des paroles aigrelettes à la façon des gens qui se prétendent méconnus. Ainsi le baron, qui se reprochait la ruine de sa famille, déploya toutes les ressources de son esprit et de ses grâces de séducteur pour sa femme, pour ses enfants et sa cousine Bette. En voyant venir son fils et Célestine Crevel qui nourrissait un petit Hulot, il fut charmant pour sa belle-fille, il l’accabla de compliments, nourriture à laquelle la vanité de Célestine n’était pas accoutumée, car jamais fille d’argent ne fut si vulgaire ni si parfaitement insignifiante. Le grand-père prit le marmot, il le baisa, le trouva délicieux et ravissant ; il lui parla le parler des nourrices, prophétisa que ce poupard deviendrait plus grand que lui, glissa des flatteries à l’adresse de son fils Hulot, et rendit l’enfant à la grosse Normande chargée de le tenir. Aussi Célestine échangea-t-elle avec la baronne un regard qui voulait dire : « Quel homme charmant ! » Naturellement, elle défendait son beau-père contre les attaques de son propre père.

Après s’être montré beau-père agréable et grand-père gâteau, le baron emmena son fils dans le jardin pour lui présenter des observations pleines de sens sur l’attitude à prendre à la Chambre sur