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toujours à Cibot : « Tiens, voilà monsieur Pons qui va courir le guilledou ! » Parole d’honneur ! je disais cela, tant je vous croyais aimé des femmes ! Le ciel vous a créé pour l’amour… Tenez, mon cher petit monsieur, j’ai vu cela le jour où vous avez dîné ici pour la première fois. Oh ! étiez-vous touché du plaisir que vous donniez à monsieur Schmucke ! Et lui qui en pleurait encore le lendemain, en me disant : Montam Zibod, il ha tinné izi ! que j’en ai pleuré comme une bête aussi. Et comme il était triste, quand vous avez recommencé vos villevoustes ! et à aller dîner en ville ! Pauvre homme ! jamais désolation pareille ne s’est vue ! Ah ! vous avez bien raison de faire de lui votre héritier ! Allez ! c’est toute une famille pour vous, ce digne, ce cher homme-là ! … Ne l’oubliez pas ! autrement Dieu ne vous recevrait pas dans son paradis, où il doit ne laisser entrer que ceux qui ont été reconnaissants envers leurs amis en leur laissant des rentes.

Pons faisait de vains efforts pour répondre, la Cibot parlait comme le vent marche. Si l’on a trouvé le moyen d’arrêter les machines à vapeur, celui de stoper la langue d’une portière épuisera le génie des inventeurs.

— Je sais ce que vous allez dire ! reprit-elle. Ça ne tue pas, mon cher monsieur, de faire son testament quand on est malade ; et, n’à votre place, moi, crainte d’accident, je ne voudrais pas abandonner ce pauvre mouton-là, car c’est la bonne bête du bon Dieu ; il ne sait rien de rien ; je ne voudrais pas le mettre à la merci des rapiats d’hommes d’affaires, et de parents que c’est tous canailles ! Voyons, y a-t-il quelqu’un qui, depuis vingt jours, soit venu vous voir ? … Et vous leur donneriez votre bien ! Savez-vous qu’on dit que tout ce qui est ici en vaut la peine ?

— Mais, oui, dit Pons.

— Rémonencq, qui vous connaît pour un amateur, et qui brocante, dit qu’il vous ferait bien trente mille francs de rente viagère, pour avoir vos tableaux après vous… En voilà une affaire ! À votre place, je la ferais ! Mais j’ai cru qu’il se moquait de moi, quand il m’a dit cela… Vous devriez avertir monsieur Schmucke de la valeur de toutes ces choses-là, car c’est un homme qu’on tromperait comme un enfant ; il n’a pas la moindre idée de ce que valent les belles choses que vous avez ! Il s’en doute si peu, qu’il les donnerait pour un morceau de pain, si, par amour pour vous, il ne les gardait pas pendant toute sa vie, s’il vit après vous, toutefois, car