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d’être riche, cette créature avait nourri le serpent de tous les mauvais levains qui tapissent le fond des cœurs, et l’on va voir comment elle exécutait les conseils que lui sifflait le serpent.

— Eh bien ! a-t-il bien bu, notre chérubin ? va-t-il mieux ? dit-elle à Schmucke.

Bas pien ! mon tchère montame Zibod ! bas pien ! répondit l’Allemand en essuyant une larme.

— Bah ! vous vous alarmez par trop aussi, mon cher monsieur, il faut en prendre et en laisser… Cibot serait à la mort, je ne serais pas si désolée que vous l’êtes. Allez ! notre chérubin est d’une bonne constitution. Et puis, voyez-vous, il paraît qu’il a été sage ! vous ne savez pas combien les gens sages vivent vieux ! Il est bien malade, c’est vrai, mais n’avec les soins que j’ai de lui, je l’en tirerai. Soyez tranquille, allez à vos affaires, je vais lui tenir compagnie, et lui faire boire ses pintes d’eau d’orge.

Sans fus, che murerais d’einguiédute… dit Schmucke en pressant dans ses mains par un geste de confiance la main de sa bonne ménagère.

La Cibot entra dans la chambre de Pons en s’essuyant les yeux.

— Qu’avez-vous, madame Cibot ? dit Pons.

— C’est monsieur Schmucke qui me met l’âme à l’envers, il vous pleure comme si vous étiez mort ! dit-elle. Quoique vous ne soyez pas bien, vous n’êtes pas encore assez mal pour qu’on vous pleure ; mais cela me fait tant d’effet ! Mon Dieu, suis-je bête d’aimer comme cela les gens et de m’être attachée à vous plus qu’à Cibot ! Car, après tout, vous ne m’êtes de rien, nous ne sommes parents que par la première femme ; eh bien ! j’ai les sangs tournés dès qu’il s’agit de vous, ma parole d’honneur. Je me ferais couper la main, la gauche s’entend, nà, devant vous, pour vous voir allant et venant, mangeant et flibustant des marchands, comme n’à votre ordinaire… Si j’avais eu n’un enfant, je pense que je l’aurais aimé, comme je vous aime, quoi ! Buvez donc, mon mignon, allons, un plein verre ! Voulez-vous boire, monsieur ! D’abord, monsieur Poulain a dit : — S’il ne veut pas aller au Père-Lachaise, monsieur Pons doit boire dans sa journée autant de voies d’eau qu’un Auvergnat en vend. Ainsi, buvez ! allons ! …

— Mais, je bois, ma bonne Cibot… tant et tant que j’ai l’estomac noyé…

— Là, c’est bien ! dit la portière en prenant le verre vide. Vous