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L’astrologie judiciaire, la divination, a régné pendant sept siècles, non pas comme aujourd’hui sur les gens du peuple, mais sur les plus grandes intelligences, sur les souverains, sur les reines et sur les gens riches. Une des plus grandes sciences de l’antiquité, le magnétisme animal, est sorti des sciences occultes, comme la chimie est sortie des fourneaux des alchimistes. La crânologie, la physiognomonie, la névrologie en sont également issues ; et les illustres créateurs de ces sciences, en apparence nouvelles, n’ont eu qu’un tort, celui de tous les inventeurs, et qui consiste à systématiser absolument des faits isolés, dont la cause génératrice échappe encore à l’analyse. Un jour l’Église catholique et la Philosophie moderne se sont trouvées d’accord avec la Justice pour proscrire, persécuter, ridiculiser les mystères de la Cabale ainsi que ses adeptes, et il s’est fait une regrettable lacune de cent ans dans le règne et l’étude des sciences occultes. Quoi qu’il en soit, le peuple et beaucoup de gens d’esprit, les femmes surtout, continuent à payer leurs contributions à la mystérieuse puissance de ceux qui peuvent soulever le voile de l’avenir ; ils vont leur acheter de l’espérance, du courage, de la force, c’est-à-dire ce que la religion seule peut donner. Aussi cette science est-elle toujours pratiquée, non sans quelques risques. Aujourd’hui, les sorciers, garantis de tout supplice par la tolérance due aux encyclopédistes du dix-huitième siècle, ne sont plus justiciables que de la police correctionnelle, et dans le cas seulement où ils se livrent à des manœuvres frauduleuses, quand ils effraient leurs pratiques dans le dessein d’extorquer de l’argent, ce qui constitue une escroquerie. Malheureusement l’escroquerie et souvent le crime accompagnent l’exercice de cette faculté sublime. Voici pourquoi.

Les dons admirables qui font le Voyant se rencontrent ordinairement chez les gens à qui l’on décerne l’épithète de brutes. Ces brutes sont les vases d’élection où Dieu met les élixirs qui surprennent l’humanité. Ces brutes donnent les prophètes, les saint Pierre, les l’Hermite. Toutes les fois que la pensée demeure dans sa totalité, reste bloc, ne se débite pas en conversations, en intrigues, en œuvres de littérature, en imaginations de savant, en efforts administratifs, en conceptions d’inventeur, en travaux guerriers, elle est apte à jeter des feux d’une intensité prodigieuse, contenus comme le diamant brut garde l’éclat de ses facettes. Vienne une circonstance ! cette intelligence s’allume,