Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/47

Cette page a été validée par deux contributeurs.

est de Li… va… Lith… — Lithuanie ?… — Non… — Livonie ?… — C’est cela ! — Mais comment se nomme-t-il ? — Voyons, je veux savoir si tu es capable de garder un secret… — Oh ! cousine, je serai muette… — Comme un poisson ? — Comme un poisson !… — Par ta vie éternelle ? — Par ma vie éternelle ! — Non, par ton bonheur sur cette terre ? — Oui. — Eh bien ! il se nomme le comte Wenceslas Steinbock ! — Il y avait un des généraux de Charles XII qui portait ce nom-là. — C’était son grand-oncle ! Son père à lui s’est établi en Livonie après la mort du roi de Suède ; mais il a perdu sa fortune lors de la campagne de 1812, et il est mort, laissant le pauvre enfant, à l’âge de huit ans, sans ressources. Le grand-duc Constantin, à cause du nom de Steinbock, l’a pris sous sa protection, et l’a mis dans une école… — Je ne me dédis pas, avait répondu Hortense, donne-moi une preuve de son existence, et tu as mon châle jaune ! Ah ! cette couleur est le fard des brunes. — Tu me garderas le secret ? — Tu auras les miens. — Eh bien ! la prochaine fois que je viendrai, j’aurai la preuve. — Mais la preuve, c’est l’amoureux, avait dit Hortense.

La cousine Bette, en proie depuis son arrivée à Paris à l’admiration des cachemires, avait été fascinée par l’idée de posséder ce cachemire jaune donné par le baron à sa femme, en 1808, et qui, selon l’usage de quelques familles, avait passé de la mère à la fille en 1830. Depuis dix ans, le châle s’était bien usé ; mais ce précieux tissu, toujours serré dans une boîte en bois de sandal, semblait, comme le mobilier de la baronne, toujours neuf à la vieille fille. Donc, elle avait apporté dans son ridicule un cadeau qu’elle comptait faire à la baronne pour le jour de sa naissance, et qui, selon elle, devait prouver l’existence du fantastique amoureux.

Ce cadeau consistait en un cachet d’argent, composé de trois figurines adossées, enveloppées de feuillages et soutenant le globe. Ces trois personnages représentaient la Foi, l’Espérance et la Charité. Les pieds reposaient sur des monstres qui s’entre-déchiraient, et parmi lesquels s’agitait le serpent symbolique. En 1846, après le pas immense que mademoiselle de Fauveau, les Wagner, les Jeanest, les Froment-Meurice, et des sculpteurs en bois comme Liénard, ont fait faire à l’art de Benvenuto-Cellini, ce chef-d’œuvre ne surprendrait personne ; mais en ce moment, une jeune fille experte en bijouterie, dut rester ébahie en maniant ce cachet, quand la cousine Bette le lui eut présenté, en lui disant : « — Tiens,