Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/365

Cette page a été validée par deux contributeurs.

qui stationnait à la porte de Carabine. Madame Nourrisson indiqua tout bas au cocher une maison du pâté des Italiens, où l’on serait arrivé dans quelques instants, car, de la rue Saint-Georges, la distance est de sept à huit minutes ; mais madame Nourrisson ordonna de prendre par la rue Lepelletier, et d’aller très-lentement, de manière à passer en revue les équipages stationnés.

— Brésilien ! dit la Nourrisson, vois à reconnaître les gens et la voiture de ton ange.

Le baron montra du doigt l’équipage de Valérie au moment où le fiacre passa devant.

— Elle a dit à ses gens de venir à dix heures, et elle s’est fait conduire en fiacre à la maison où elle est avec le comte Steinbock ; elle y a dîné, et elle viendra dans une demi-heure à l’Opéra. C’est bien travaillé ! dit madame Nourrisson. Cela t’explique comment elle peut t’avoir attrapé si long-temps.

Le Brésilien ne répondit pas. Métamorphosé en tigre, il avait repris le sang-froid imperturbable tant admiré pendant le dîner. Enfin, il était calme comme un failli, le lendemain du bilan déposé.

À la porte de la fatale maison, stationnait une citadine à deux chevaux, de celles qui s’appellent Compagnie générale, du nom de l’entreprise.

— Reste dans ta boîte, dit madame Nourrisson à Montès. On n’entre pas ici comme dans un estaminet, on viendra vous chercher.

Le paradis de madame Marneffe et de Wenceslas ne ressemblait guère à la petite maison Crevel, que Crevel avait vendue au comte Maxime de Trailles ; car, dans son opinion, elle devenait inutile. Ce paradis, le paradis de bien du monde, consistait en une chambre située au quatrième étage, et donnant sur l’escalier, dans une maison sise au pâté des Italiens. À chaque étage, il se trouvait dans cette maison, sur chaque palier, une chambre, autrefois disposée pour servir de cuisine à chaque appartement. Mais la maison étant devenue une espèce d’auberge louée aux amours clandestins à des prix exorbitants, la principale locataire, la vraie madame Nourrisson, marchande à la toilette rue Neuve-Saint-Marc, avait jugé sainement de la valeur immense de ces cuisines, en en faisant des espèces de salles à manger. Chacune de ces pièces, flanquée de deux gros murs mitoyens, éclairée sur la rue, se trouvait totalement isolée, au moyen de portes battantes très-épaisses qui faisaient une double fermeture sur le palier. On pouvait donc causer de secrets