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— Élodie prend tout pour elle ! dit le baron Hulot. Ces Chardins sont des canailles puantes…

— Voulez-vous revenir avec nous ?

— Oh ! non, non, dit le vieillard, je voudrais passer en Amérique…

— Adeline est sur vos traces…

— Ah ! si l’on pouvait payer mes dettes, demanda le baron d’un air défiant, car Samanon me poursuit.

— Nous n’avons pas encore payé votre arriéré, votre fils doit encore cent mille francs…

— Pauvre garçon !

— Et votre pension ne sera libre que dans sept à huit mois… Si vous voulez attendre, j’ai là deux mille francs !

Le baron tendit la main par un geste avide, effrayant.

— Donne, Lisbeth ! Que Dieu te récompense ! Donne ! je sais où aller !

— Mais vous me le direz, vieux monstre ?

— Oui. Je puis attendre ces huit mois, car j’ai découvert un petit ange, une bonne créature, une innocente et qui n’est pas assez âgée pour être encore dépravée.

— Songez à la cour d’assises, dit Lisbeth qui se flattait d’y voir un jour Hulot.

— Eh ! c’est rue de Charonne ! dit le baron Hulot, un quartier où tout arrive sans esclandre. Va, l’on ne me trouvera jamais. Je me suis déguisé, Lisbeth, en père Thorec, on me prendra pour un ancien ébéniste, la petite m’aime, et je ne me laisserai plus manger la laine sur le dos.

— Non, c’est fait ! dit Lisbeth en regardant la redingote. Si je vous y conduisais, cousin ?…

Le baron Hulot monta dans la voiture, en abandonnant mademoiselle Élodie sans lui dire adieu, comme on jette un roman lu.

En une demi-heure pendant laquelle le baron Hulot ne parla que de la petite Atala Judici à Lisbeth, car il était arrivé par degrés aux affreuses passions qui ruinent les vieillards, sa cousine le déposa, muni de deux mille francs, rue de Charonne, dans le faubourg Saint-Antoine, à la porte d’une maison à façade suspecte et menaçante.

— Adieu, cousin, tu seras maintenant le père Thorec, n’est-