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— Hector, tu veux donc me laisser mourir de désespoir, d’anxiétés, d’inquiétudes !… dit-elle en se voyant enlever le principe de sa force.

— Je te reviendrai, ange descendu du ciel, je crois, exprès pour moi ; je vous reviendrai, sinon riche, du moins dans l’aisance. Écoute, ma bonne Adeline, je ne puis rester ici par une foule de raisons. D’abord, ma pension qui sera de six mille francs est engagée pour quatre ans, je n’ai donc rien. Ce n’est pas tout ! je vais être sous le coup de la contrainte par corps dans quelques jours, à cause des lettres de change souscrites à Vauvinet… Ainsi, je dois m’absenter, jusqu’à ce que mon fils, à qui je vais laisser des instructions précises, ait racheté ces titres. Ma disparition aidera puissamment cette opération. Lorsque ma pension de retraite sera libre, lorsque Vauvinet sera payé, je vous reviendrai… Tu décèlerais le secret de mon exil. Sois tranquille, ne pleure pas, Adeline… Il ne s’agit que d’un mois…

— Où iras-tu ? que feras-tu ? que deviendras-tu ? qui te soignera, toi qui n’es plus jeune ? Laisse-moi disparaître avec toi, nous irons à l’étranger, dit-elle.

— Eh bien ! nous allons voir, répondit-il.

Le baron sonna, donna l’ordre à Mariette de rassembler tous ses effets, de les mettre secrètement et promptement dans des malles. Puis, il pria sa femme, après l’avoir embrassée avec une effusion de tendresse à laquelle elle n’était pas habituée, de le laisser un moment seul pour écrire les instructions dont avait besoin Victorin, en lui promettant de ne quitter la maison qu’à la nuit et avec elle. Dès que la baronne fut rentrée au salon, le fin vieillard passa par le cabinet de toilette, gagna l’antichambre et sortit en remettant à Mariette un carré de papier, sur lequel il avait écrit : « Adressez mes malles par le chemin de fer de Corbeil, à monsieur Hector, bureau restant, à Corbeil. » Le baron, monté dans un fiacre, courait déjà dans Paris, lorsque Mariette vint montrer à la baronne ce mot, en lui disant que monsieur venait de sortir. Adeline s’élança dans la chambre en tremblant plus fortement que jamais ; ses enfants, effrayés, l’y suivirent en entendant un cri perçant. On releva la baronne évanouie, il fallut la mettre au lit, car elle fut prise d’une fièvre nerveuse qui la tint entre la vie et la mort pendant un mois.

— Où est-il ? était la seule parole qu’on obtenait d’elle.

Les recherches de Victorin furent infructueuses. Voici pourquoi.