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la propriété au nom de Célestine. Grâce à cette opération, Lisbeth posséda deux mille francs de rentes viagères. On trouva, lors de l’inventaire, un mot du maréchal à sa belle-sœur, à sa nièce Hortense, et à son neveu Victorin, qui les chargeait de payer, à eux trois, douze cents francs de rentes viagères à celle qui devait être sa femme, mademoiselle Lisbeth Fischer.

Adeline, voyant le baron entre la vie et la mort, réussit à lui cacher pendant quelques jours le décès du maréchal ; mais Lisbeth vint en deuil, et la fatale vérité lui fut révélée onze jours après les funérailles. Ce coup terrible rendit de l’énergie au malade, il se leva, trouva toute sa famille réunie au salon, habillée en noir, et elle devint silencieuse à son aspect. En quinze jours, Hulot, devenu maigre comme un spectre, offrit à sa famille une ombre de lui-même.

— Il faut prendre un parti, dit-il d’une voix éteinte en s’asseyant sur un fauteuil et regardant cette réunion où manquaient Crevel et Steinbock.

— Nous ne pouvons plus rester ici, faisait observer Hortense au moment où son père se montra, le loyer est trop cher…

— Quant à la question du logement, dit Victorin en rompant ce pénible silence, j’offre à ma mère

En entendant ces mots, qui semblaient l’exclure, le baron releva sa tête inclinée vers le tapis où il contemplait les fleurs sans les voir, et jeta sur l’avocat un déplorable regard. Les droits du père sont toujours si sacrés, même lorsqu’il est infâme et dépouillé d’honneur, que Victorin s’arrêta.

— À votre mère… reprit le baron. Vous avez raison, mon fils !

— L’appartement au-dessus du nôtre, dans notre pavillon, dit Célestine achevant la phrase de son mari.

— Je vous gêne, mes enfants ?… dit le baron avec la douceur des gens qui se sont condamnés eux-mêmes. Oh ! soyez sans inquiétude pour l’avenir, vous n’aurez plus à vous plaindre de votre père, et vous ne le reverrez qu’au moment où vous n’aurez plus à rougir de lui.

Il alla prendre Hortense et la baisa au front. Il ouvrit ses bras à son fils qui s’y jeta désespérément en devinant les intentions de son père. Le baron fit un signe à Lisbeth, qui vint, et il l’embrassa au front. Puis, il se retira dans sa chambre où Adeline, dont l’inquiétude était poignante, le suivit.

— Mon frère avait raison, Adeline, lui dit-il en la prenant par