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coiffure à l’anglaise lui parut être trop significative, elle en éteignit l’entrain par un très-joli bonnet ; mais, avec ou sans bonnet, eût-elle su jouer avec ses rouleaux dorés pour exhiber, pour faire admirer ses mains en fuseau ?… Voici quel fut son fard. La certitude de sa criminalité, les préparatifs d’une faute délibérée causèrent à cette sainte femme une violente fièvre qui lui rendit l’éclat de la jeunesse pour un moment. Ses yeux brillèrent, son teint resplendit. Au lieu de se donner un air séduisant, elle se vit en quelque sorte un air dévergondé qui lui fit horreur. Lisbeth avait, à la prière d’Adeline, raconté les circonstances de l’infidélité de Wenceslas, et la baronne avait alors appris, à son grand étonnement, qu’en une soirée, en un moment, madame Marneffe s’était rendue maîtresse de l’artiste ensorcelé. — Comment font ces femmes ? avait demandé la baronne à Lisbeth. Rien n’égale la curiosité des femmes vertueuses à ce sujet, elles voudraient posséder les séductions du Vice et rester pures. — Mais, elles séduisent, c’est leur état, avait répondu la cousine Bette. Valérie était, ce soir-là, vois-tu, ma chère, à faire damner un ange. — Raconte-moi donc comment elle s’y est prise ?  — Il n’y a pas de théorie, il n’y a que la pratique dans ce métier, avait dit railleusement Lisbeth. La baronne, en se rappelant cette conversation, aurait voulu consulter la cousine Bette ; mais le temps manquait. La pauvre Adeline, incapable d’inventer une mouche, de se poser un bouton de rose dans le beau milieu du corsage, de trouver les stratagèmes de toilette destinés à réveiller chez les hommes des désirs amortis, ne fut que soigneusement habillée. N’est pas courtisane qui veut ! La femme est le potage de l’homme, a dit plaisamment Molière par la bouche du judicieux Gros-René. Cette comparaison suppose une sorte de science culinaire en amour. La femme vertueuse et digne serait alors le repas homérique, la chair jetée sur les charbons ardents. La courtisane, au contraire, serait l’œuvre de Carême avec ses condiments, avec ses épices et ses recherches. La baronne ne pouvait pas, ne savait pas servir sa blanche poitrine dans un magnifique plat de guipure, à l’instar de madame Marneffe. Elle ignorait le secret de certaines attitudes, l’effet de certains regards. Enfin, elle n’avait pas sa botte secrète. La noble femme se serait bien retournée cent fois, elle n’aurait rien su offrir à l’œil savant du libertin. Être une honnête et prude femme pour le monde, et se faire courtisane pour son mari, c’est être une femme de génie, et il y en a peu. Là est le secret des