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le calme d’un chirurgien habitué à débrider des plaies. La spéculation est écrite sur cette plate et atroce figure. Mais, ne deviez-vous pas beaucoup tenir à certaine lettre écrite par cette femme et où il est question de l’enfant…

— Je tiens tant à cette lettre que je la porte toujours sur moi, répondit le baron Hulot au commissaire de police en fouillant dans sa poche de côté pour prendre le petit portefeuille qui ne le quittait jamais.

— Laissez le portefeuille où il est, dit le commissaire foudroyant comme un réquisitoire, voici la lettre. Je sais maintenant tout ce que je voulais savoir. Madame Marneffe devait être dans la confidence de ce que contenait ce portefeuille.

— Elle seule au monde.

— C’est ce que je pensais… Maintenant voici la preuve que vous me demandez de la complicité de cette petite femme.

— Voyons ! dit le baron encore incrédule.

— Quand nous sommes arrivés, monsieur le baron, reprit le commissaire, ce misérable Marneffe a passé le premier, et il a pris cette lettre que sa femme avait sans doute posée sur ce meuble, dit-il en montrant le bonheur-du-jour. Évidemment cette place avait été convenue entre la femme et le mari, si toutefois elle parvenait à vous dérober la lettre pendant votre sommeil ; car la lettre que cette dame vous a écrite est, avec celles que vous lui avez adressées, décisive au procès correctionnel.

Le commissaire fit voir à Hulot la lettre que le baron avait reçue par Reine dans son cabinet au ministère.

— Elle fait partie du dossier, dit le commissaire, rendez-la-moi, monsieur.

— Eh bien ! monsieur, dit Hulot dont la figure se décomposa, cette femme, c’est le libertinage en coupes réglées, je suis certain maintenant qu’elle a trois amants !

— Ça se voit, dit le commissaire de police. Ah ! elles ne sont pas toutes sur le trottoir. Quand on fait ce métier-là, monsieur le baron, en équipages, dans les salons, ou dans son ménage, il ne s’agit plus de francs ni de centimes. Mademoiselle Esther, dont vous parlez, et qui s’est empoisonnée, a dévoré des millions… Si vous m’en croyez, vous détellerez, monsieur le baron. Cette dernière partie vous coûtera cher. Ce gredin de mari a pour lui la loi… Enfin, sans moi, la petite femme vous repinçait !