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pur d’une épouse chrétienne pour un mari fourvoyé, cette sainte tendresse qui survit à tout dans le cœur de la femme. Tout cela se devinait.

— Hector ! dit-elle enfin, nous reviendrais-tu ? Dieu prendrait-il en pitié notre famille ?

— Chère Adeline ! reprit le baron en entrant et asseyant sa femme sur un fauteuil à côté de lui, tu es la plus sainte créature que je connaisse, et il y a long-temps que je ne me trouve plus digne de toi.

— Tu aurais peu de chose à faire, mon ami, dit-elle en tenant la main de Hulot et tremblant si fort qu’elle semblait avoir un tic nerveux, bien peu de chose pour rétablir l’ordre…

Elle n’osa poursuivre, elle sentit que chaque mot serait un blâme, et elle ne voulait pas troubler le bonheur que cette entrevue lui versait à torrents dans l’âme.

— Hortense m’amène ici, reprit Hulot. Cette petite fille peut nous faire plus de mal par sa démarche précipitée que ne nous en a fait mon absurde passion pour Valérie. Mais nous causerons de tout cela demain matin. Hortense dort, m’a dit Mariette, laissons-la tranquille.

— Oui, dit madame Hulot envahie soudain par une profonde tristesse.

Elle devina que le baron revenait chez lui, ramené moins par le désir de voir sa famille, que par un intérêt étranger.

— Laissons-la tranquille encore demain, car la pauvre enfant est dans un état déplorable, elle a pleuré pendant toute la journée, dit la baronne.

Le lendemain, à neuf heures du matin, le baron, en attendant sa fille à laquelle il avait fait dire de venir, se promenait dans l’immense salon inhabité, cherchant des raisons à donner pour vaincre l’entêtement le plus difficile à dompter, celui d’une jeune femme offensée et implacable, comme l’est la jeunesse irréprochable, à qui les honteux ménagements du monde sont inconnus, parce qu’elle en ignore les passions et les intérêts.

— Me voici, papa ! dit d’une voix tremblante Hortense que ses souffrances avaient pâlie.

Hulot, assis sur une chaise, prit sa fille par la taille et la força de se mettre sur ses genoux.

— Eh bien ! mon enfant, dit-il en l’embrassant au front, il y a