Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/234

Cette page a été validée par deux contributeurs.

amoureux dont on veut que je sois la cause, peut me faire un tort inouï, car voilà la manière dont s’attaquent entre elles les femmes vertueuses. C’est un scandale que de jouer à la victime, pour jeter le blâme sur une femme qui n’a d’autres torts que d’avoir une maison agréable. Si tu m’aimes, tu me disculperas en rapatriant les deux tourtereaux. Je ne tiens pas du tout, d’ailleurs, à recevoir ton gendre, c’est toi qui me l’as amené, remporte-le ? Si tu as de l’autorité dans ta famille, il me semble que tu pourrais bien exiger de ta femme qu’elle fît ce raccommodement. Dis-lui de ma part, à cette bonne vieille, que si l’on me donne injustement le tort d’avoir brouillé un jeune ménage, de troubler l’union d’une famille, et de prendre à la fois le père et le gendre, je mériterai ma réputation en les tracassant à ma façon ! Ne voilà-t-il pas Lisbeth qui parle de me quitter ?… Elle me préfère sa famille, je ne veux pas l’en blâmer. Elle ne reste ici, m’a-t-elle dit, que si les jeunes gens se raccommodent. Nous voilà propres, la dépense sera triplée ici !…

— Oh ! quant à cela, dit le baron en apprenant l’esclandre de sa fille, j’y mettrai bon ordre.

— Eh bien ! reprit Valérie, à autre chose. Et la place de Coquet ?…

— Ceci, répondit Hector en baissant les yeux, est plus difficile, pour ne pas dire impossible !…

— Impossible, mon cher Hector, dit madame Marneffe à l’oreille du baron ; mais tu ne sais pas à quelles extrémités va se porter Marneffe, je suis en son pouvoir ; il est immoral, dans son intérêt, comme la plupart des hommes, mais il est excessivement vindicatif à la façon des petits esprits, des impuissants. Dans la situation où tu m’as mise, je suis à sa discrétion. Obligée de me remettre avec lui pour quelques jours, il est capable de ne plus quitter ma chambre.

Hulot fit un prodigieux haut-le-corps.

— Il me laissait tranquille à la condition d’être chef de bureau. C’est infâme, mais c’est logique.

— Valérie, m’aimes-tu ?…

— Cette question dans l’état où je suis est, mon cher, une injustice de laquais…

— Eh bien ! si je veux tenter, seulement tenter, de demander au maréchal une place pour Marneffe, je ne suis plus rien et Marneffe est destitué.