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tard ? Ah ! monsieur, vous commencez, bien plus tôt que mon père, cette carrière de libertinage, de prodigalité qui déshonore un père de famille, qui diminue le respect des enfants, et au bout de laquelle se trouvent la honte et le désespoir.

» Je ne suis point implacable. Des sentiments inflexibles ne conviennent point à des êtres faibles qui vivent sous l’œil de Dieu. Si vous conquérez gloire et fortune par des travaux soutenus, si vous renoncez aux courtisanes, aux sentiers ignobles et bourbeux, vous retrouverez une femme digne de vous.

» Je vous crois trop gentilhomme pour recourir à la loi. Vous respecterez ma volonté, monsieur le comte, en me laissant chez ma mère ; et, surtout, ne vous y présentez jamais. Je vous ai laissé tout l’argent que vous a prêté cette odieuse femme. Adieu !

» Hortense Hulot. »


Cette lettre fut péniblement écrite, Hortense s’abandonnait aux pleurs, aux cris de la passion égorgée. Elle quittait et reprenait la plume pour exprimer simplement ce que l’amour déclame ordinairement dans ces lettres testamentaires. Le cœur s’exhalait en interjections, en plaintes, en pleurs ; mais la raison dictait.

La jeune femme, avertie par Louise que tout était prêt, parcourut lentement le jardinet, la chambre, le salon, y regarda tout pour la dernière fois. Puis elle fit à la cuisinière les recommandations les plus vives pour qu’elle veillât au bien-être de Monsieur, en lui promettant de la récompenser si elle voulait être honnête. Enfin, elle monta dans la voiture pour se rendre chez sa mère, le cœur brisé, pleurant à faire peine à sa femme de chambre, et couvrant le petit Wenceslas de baisers avec une joie délirante qui trahissait encore bien de l’amour pour le père.

La baronne savait déjà par Lisbeth que le beau-père était pour beaucoup dans la faute de son gendre, elle ne fut pas surprise de voir arriver sa fille, elle l’approuva et consentit à la garder près d’elle. Adeline, en voyant que la douceur et le dévouement n’avaient jamais arrêté son Hector, pour qui son estime commençait à diminuer, trouva que sa fille avait raison de prendre une autre voie. En vingt jours, la pauvre mère venait de recevoir deux blessures dont les souffrances surpassaient toutes ses tortures passées. Le baron avait mis Victorin et sa femme dans la gêne ; puis il était la cause, suivant Lisbeth, du dérangement de Wenceslas, il avait