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comme je remuerais la glaise ! dit-elle en tendant ses beaux bras.

On voyait que la femme tenait les promesses de la jeune fille. L’œil d’Hortense étincelait ; il coulait dans ses veines un sang chargé de fer, impétueux ; elle déplorait d’employer son énergie à tenir son enfant.

— Ah ! ma chère petite bichette, une fille sage ne doit épouser un artiste qu’au moment où il a sa fortune faite et non quand elle est à faire.

En ce moment on entendit le bruit des pas et des voix de Stidmann et de Wenceslas qui reconduisaient Chanor ; puis bientôt Wenceslas vint avec Stidmann. Stidmann, artiste lancé dans le monde des journalistes et des illustres actrices, des lorettes célèbres, était un jeune homme élégant que Valérie voulait avoir chez elle, et que Claude Vignon lui avait déjà présenté. Stidmann venait de voir finir ses relations avec la fameuse madame Schontz, mariée depuis quelques mois et partie en province. Valérie et Lisbeth, qui avaient su cette rupture par Claude Vignon, jugèrent nécessaire d’attirer rue Vanneau l’ami de Wenceslas. Comme Stidmann, par discrétion, visitait peu les Steinbock, et que Lisbeth n’avait pas été témoin de sa présentation récente par Claude Vignon, elle le voyait pour la première fois. En examinant ce célèbre artiste, elle surprit quelques regards jetés par lui sur Hortense, qui lui firent entrevoir la possibilité de le donner comme consolation à la comtesse Steinbock, si Wenceslas la trahissait. Stidmann pensait en effet que si Wenceslas n’était pas son camarade, Hortense, cette jeune et magnifique comtesse, ferait une adorable maîtresse ; mais ce désir, contenu par l’honneur, l’éloignait de cette maison. Lisbeth remarqua cet embarras significatif qui gêne les hommes en présence d’une femme avec laquelle ils se sont interdit de coqueter.

— Il est très-bien, ce jeune homme, dit-elle à l’oreille d’Hortense.

— Ah ! tu trouves ? répondit-elle, je ne l’ai jamais remarqué…

— Stidmann, mon brave, dit Wenceslas à l’oreille de son camarade, nous ne nous gênons point entre nous, eh bien ! nous avons à causer d’affaires avec cette vieille fille.

Stidmann salua les deux cousines et partit.

— C’est fini, dit Wenceslas en revenant après avoir reconduit Stidmann ; mais ce travail-là demandera six mois, et il faut pouvoir vivre pendant tout ce temps-là.