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comme le soldat dans la redoute, sans réfléchir ; et si, dans ce cratère, il ne travaille pas comme le mineur enfoui sous un éboulement ; s’il contemple enfin les difficultés au lieu de les vaincre une à une, à l’exemple de ces amoureux des féeries, qui, pour obtenir leurs princesses, combattaient des enchantements renaissants, l’œuvre reste inachevée, elle périt au fond de l’atelier, où la production devient impossible, et l’artiste assiste au suicide de son talent. Rossini, ce génie frère de Raphaël, en offre un exemple frappant, dans sa jeunesse indigente superposée à son âge mûr opulent. Telle est la raison de la récompense pareille, du pareil triomphe, du même laurier accordé aux grands poëtes et aux grands généraux.

Wenceslas, nature rêveuse, avait dépensé tant d’énergie à produire, à s’instruire, à travailler sous la direction despotique de Lisbeth, que l’amour et le bonheur amenèrent une réaction. Le vrai caractère reparut. La paresse et la nonchalance, la mollesse du Sarmate revinrent occuper dans son âme les sillons complaisants d’où la verge du maître d’école les avait chassées. L’artiste, pendant les premiers mois, aima sa femme. Hortense et Wenceslas se livrèrent aux adorables enfantillages de la passion légitime, heureuse, insensée. Hortense fut alors la première à dispenser Wenceslas de tout travail, orgueilleuse de triompher ainsi de sa rivale, la Sculpture. Les caresses d’une femme, d’ailleurs, font évanouir la Muse, et fléchir la féroce, la brutale fermeté du travailleur. Six à sept mois passèrent, les doigts du sculpteur désapprirent à tenir l’ébauchoir. Quand la nécessité de travailler se fit sentir, quand le prince de Wissembourg, président du comité de souscription, voulut voir la statue, Wenceslas prononça le mot suprême des flâneurs :  — Je vais m’y mettre ! Et il berça sa chère Hortense de fallacieuses paroles, des magnifiques plans de l’artiste fumeur. Hortense redoubla d’amour pour son poète, elle entrevoyait une sublime statue du maréchal Montcornet. Montcornet devait être l’idéalisation de l’intrépidité, le type de la cavalerie, le courage à la Murat. Ah bah ! l’on devait, à l’aspect de cette statue, concevoir toutes les victoires de l’Empereur. Et quelle exécution ! Le crayon était bien complaisant, il suivait la parole.

En fait de statue, il vint un petit Wenceslas ravissant.

Dès qu’il s’agissait d’aller à l’atelier du Gros-Caillou, manier la glaise et réaliser la maquette, tantôt la pendule du prince exigeait la présence de Wenceslas à l’atelier de Florent et de Chanor, où