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avons quatre domestiques, nous mangeons trente mille francs par an. Si tu veux que je remplisse mes engagements, car j’ai délégué mes appointements pour trois années en échange des sommes nécessaires à l’établissement d’Hortense et à l’échéance de ton oncle…

— Ah ! tu as bien fait, mon ami, dit-elle en interrompant son mari et lui baisant les mains.

Cet aveu mettait fin aux craintes d’Adeline.

— J’ai quelques petits sacrifices à te demander, reprit-il en dégageant ses mains et déposant un baiser au front de sa femme. On m’a trouvé, rue Plumet, au premier étage, un fort bel appartement, digne, orné de magnifiques boiseries, qui ne coûte que quinze cents francs, où tu n’auras besoin que d’une femme de chambre pour toi, et où je me contenterai, moi, d’un petit domestique.

— Oui, mon ami.

— En tenant notre maison avec simplicité, tout en conservant les apparences, tu ne dépenseras guère que six mille francs par an, ma dépense particulière exceptée dont je me charge…

La généreuse femme sauta tout heureuse au cou de son mari.

— Quel bonheur ! de pouvoir te montrer de nouveau combien je t’aime ! s’écria-t-elle, et quel homme de ressources tu es !…

— Nous recevrons une fois notre famille par semaine, et je dîne, comme tu sais, rarement chez moi… Tu peux, sans te compromettre, aller dîner deux fois par semaine chez Victorin, et deux fois chez Hortense ; or, comme je crois pouvoir opérer un complet raccommodement entre Crevel et nous, nous dînerons une fois par semaine chez lui, ces cinq dîners et le nôtre rempliront la semaine en supposant quelques invitations en dehors de la famille.

— Je te ferai des économies, dit Adeline.

— Ah ! s’écria-t-il, tu es la perle des femmes.

— Mon bon et divin Hector ! je te bénirai jusqu’à mon dernier soupir, répondit-elle, car tu as bien marié notre chère Hortense.

Ce fut ainsi que commença l’amoindrissement de la maison de la belle madame Hulot, et, disons-le, son abandon solennellement promis à madame Marneffe.

Le gros petit père Crevel, invité naturellement à la signature du contrat de mariage, s’y comporta comme si la scène par laquelle ce récit commence n’avait pas eu lieu, comme s’il n’avait aucun grief