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palmier, se leva soudain à l’approche du voyageur, et l’invita si obligeamment à se reposer sous sa tente, qu’il ne put se défendre d’accepter. Le mari de cette dame était alors absent. Le philosophe se fut à peine posé sur un moelleux tapis, que sa gracieuse hôtesse lui présenta des dattes fraîches et un al-carasaz plein de lait ; il ne put s’empêcher de remarquer la rare perfection des mains qui lui offrirent le breuvage et les fruits. Mais, pour se distraire des sensations que lui faisaient éprouver les charmes de la jeune Arabe, dont les piéges lui semblaient redoutables, le savant prit son livre et se mit à lire. La séduisante créature, piquée de ce dédain, lui dit de la voix la plus mélodieuse : — Il faut que ce livre soit bien intéressant, puisqu’il vous paraît la seule chose digne de fixer votre attention. Est-ce une indiscrétion que de vous demander le nom de la science dont il traite ?… Le philosophe répondit en tenant les yeux baissés : — Le sujet de ce livre n’est pas de la compétence des dames ! Ce refus du philosophe excita de plus en plus la curiosité de la jeune Arabe. Elle avança le plus joli petit pied qui jamais eût laissé sa fugitive empreinte sur le sable mouvant du désert. Le philosophe eut des distractions, et son œil, trop puissamment tenté, ne tarda pas à voyager de ces pieds, dont les promesses étaient si fécondes, jusqu’au corsage plus ravissant encore ; puis il confondit bientôt la flamme de son admiration avec le feu dont pétillaient les ardentes et noires prunelles de la jeune Asiatique. Elle redemanda d’une voix si douce quel était ce livre, que le philosophe charmé répondit : — Je suis l’auteur de cet ouvrage ; mais le fond n’est pas de moi, il contient toutes les ruses que les femmes ont inventées. — Quoi !…toutes absolument ? dit la fille du désert. — Oui, toutes ! Et ce n’est qu’en étudiant constamment les femmes que je suis parvenu à ne plus les redouter. — Ah !… dit la jeune Arabe en abaissant les longs cils de ses blanches paupières, puis, lançant tout à coup le plus vif de ses regards au prétendu sage, elle lui fit oublier bientôt et son livre et les tours qu’il contenait. Voilà mon philosophe le plus passionné de tous les hommes. Croyant apercevoir dans les manières de la jeune femme une légère teinte de coquetterie, l’étranger osa hasarder un aveu. Comment aurait-il résisté ? le ciel était bleu, le sable brillait au loin comme une lame d’or, le vent du désert apportait l’amour, et la femme de l’Arabe semblait réfléchir tous les feux dont elle était entourée : aussi ses yeux pénétrants devinrent