Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 16.djvu/622

Cette page n’a pas encore été corrigée

Que la moindre baisse dans l’amour public entraînerait d’incalculables malheurs pour le fisc et pour les rentiers ;

Qu’un mari a au moins le tiers de son revenu hypothéqué sur l’inconstance de sa femme, etc.

Je sais bien que vous ouvrez déjà la bouche pour me parler de mœurs, de politique, de bien et de mal… mais, mon cher minotaurisé, le bonheur n’est-il pas la fin que doivent se proposer toutes les sociétés ?… N’est-ce pas cet axiome qui fait que ces pauvres rois se donnent tant de mal après leurs peuples ? Eh ! bien, la femme honnête n’a pas, comme eux, il est vrai, des trônes, des gendarmes, des tribunaux, elle n’a qu’un lit à offrir ; mais si nos quatre cent mille femmes rendent heureux, par cette ingénieuse machine, un million de célibataires, et par-dessus le marché leurs quatre cent mille maris, n’atteignent-elles pas mystérieusement et sans faste au but qu’un gouvernement a en vue, c’est-à-dire de donner la plus grande somme possible de bonheur à la masse ?

— Oui, mais les chagrins, les enfants, les malheurs..

— Ah ! permettez-moi de mettre en lumière le mot consolateur par lequel l’un de nos plus spirituels caricaturistes termine une de ses charges : — L’homme n’est pas parfait ! Il suffit donc que nos institutions n’aient pas plus d’inconvénients que d’avantages pour qu’elles soient excellentes ; car le genre humain n’est pas placé, socialement parlant, entre le bien et le mal, mais entre le mal et le pire. Or, si l’ouvrage que nous avons actuellement accompli a eu pour but de diminuer la pire des institutions matrimoniales, en dévoilant les erreurs et les contre-sens auxquels donnent lieu nos mœurs et nos préjugés, il sera certes un des plus beaux titres qu’un homme puisse présenter pour être placé parmi les bienfaiteurs de l’humanité. L’auteur n’a-t-il pas cherché, en armant les maris, à donner plus de retenue aux femmes, par conséquent plus de violence aux passions, plus d’argent au fisc, plus de vie au commerce et à l’agriculture ? Grâce à cette dernière Méditation, il peut se flatter d’avoir complétement obéi au vœu d’éclectisme qu’il a formé en entreprenant cet ouvrage, et il espère avoir rapporté, comme un avocat-général, toutes les pièces du procès, mais sans donner ses conclusions. En effet, que vous importe de trouver ici un axiome ? Voulez-vous que ce livre soit le développement de la dernière opinion qu’ait eue Tronchet, qui, sur la fin de ses jours, pensait que le législateur avait considéré, dans le mariage, bien