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puissances viriles et féminines que nous consultâmes. Les lumières qui nous furent apportées par quelques personnes pour nous éclairer sur ces matières délicates nous donnèrent l’idée de réunir dans un dîner quelques têtes savantes, afin d’être guidés par des opinions sages dans ces importantes recherches. L’assemblée eut lieu. Ce fut le verre à la main, et après de brillantes improvisations, que les chapitres suivants du budget de l’amour reçurent une sorte de sanction législative. La somme de cent francs fut allouée pour les commissionnaires et les voitures. Celle de cinquante écus parut très-raisonnable pour les petits pâtés que l’on mange en se promenant, pour les bouquets de violettes et les parties de spectacle. Une somme de deux cents francs fut reconnue nécessaire à la solde extraordinaire demandée par la bouche et les dîners chez les restaurateurs. Du moment où la dépense était admise, il fallait bien la couvrir par une recette. Ce fut dans cette discussion qu’un jeune chevau-léger (car le roi n’avait pas encore supprimé sa maison rouge à l’époque où cette transaction fut méditée), rendu presque ebriolus par le vin de champagne, fut rappelé à l’ordre pour avoir osé comparer les amants à des appareils distillatoires Mais un chapitre qui donna lieu aux plus violentes discussions, qui resta même ajourné pendant plusieurs semaines, et qui nécessita un rapport, fut celui des cadeaux. Dans la dernière séance, la délicate madame de D… opina la première ; et, par un discours plein de grâce et qui prouvait la noblesse de ses sentiments, elle essaya de démontrer que la plupart du temps les dons de l’amour n’avaient aucune valeur intrinsèque. L’auteur répondit qu’il n’y avait pas d’amants qui ne fissent faire leurs portraits. Une dame objecta que le portrait n’était qu’un premier capital, et qu’on avait toujours soin de se les redemander pour leur donner un nouveau cours. Mais tout à coup un gentilhomme provençal se leva pour prononcer une philippique contre les femmes. Il parla de l’incroyable faim qui dévore la plupart des amantes pour les fourrures, les pièces de satin, les étoffes, les bijoux et les meubles ; mais une dame l’interrompit en lui demandant si madame d’Ô… y, son amie intime, ne lui avait pas déjà payé deux fois ses dettes. — Vous vous trompez, madame, reprit le Provençal, c’est son mari. — L’orateur est rappelé à l’ordre, s’écria le président, et condamné à festoyer toute l’assemblée, pour s’être servi du mot mari. Le Provençal fut complétement réfuté par une dame qui tâcha de prouver que les