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venger vos attraits offensés, et de leur restituer les vols qu’on leur a faits. » On trouva ceci de bon goût, mais elle dit : — « Vous promettiez d’être sage ? » Je jette un voile sur des folies que tous les âges pardonnent à la jeunesse en faveur de tant de désirs trahis, et de tant de souvenirs. Au matin, soulevant à peine ses yeux humides, madame de T…, plus belle que jamais, me dit : — « Eh ! bien, aimerez-vous jamais la comtesse autant que moi ?… » J’allais répondre, quand une confidente parut disant : — « Sortez, sortez. Il fait grand jour, il est onze heures, et l’on entend déjà du bruit dans le château. » Tout s’évanouit comme un songe. Je me retrouvai errant dans les corridors avant d’avoir repris mes sens. Comment regagner un appartement que je ne connaissais pas ?… Toute méprise était une indiscrétion. Je résolus d’avoir fait une promenade matinale. La fraîcheur et l’air pur calmèrent par degrés mon imagination, et en chassèrent le merveilleux. Au lieu d’une nature enchantée, je ne vis plus qu’une nature naïve. Je sentais la vérité rentrer dans mon âme, mes pensées naître sans trouble et se suivre avec ordre, je respirais enfin. Je n’eus rien de plus pressé que de me demander ce que j’étais à celle que je quittais… Moi qui croyais savoir qu’elle aimait éperdument et depuis deux ans le marquis de V. — Aurait-elle rompu avec lui ? m’a-t-elle pris pour lui succéder ou seulement pour le punir ?… Quelle nuit !… quelle aventure ; mais quelle délicieuse femme ! Tandis que je flottais dans le vague de ces pensées, j’entendis du bruit auprès de moi. Je levai les yeux, je me les frottai, je ne pouvais croire… devinez ? le marquis ! — « Tu ne m’attendais peut-être pas si matin, n’est-ce pas ?… me dit-il… Eh ! bien, comment cela s’est-il passé ? — Tu savais donc que j’étais ici ?… lui demandai-je tout ébahi. — Eh ! oui. On me le fit dire à l’instant du départ. As-tu bien joué ton personnage ? Le mari a-t-il trouvé ton arrivée bien ridicule ? t’a-t-il bien pris en grippe ? a-t-il horreur de l’amant de sa femme ? Quand te congédie-t-on ?… Oh ! va, j’ai pourvu à tout, je t’amène une bonne chaise, elle est à tes ordres. À charge de revanche, mon ami. Compte sur moi, car on est reconnaissant de ces corvées-là… » Ces dernières paroles me donnèrent la clef du mystère, et je sentis mon rôle. — « Mais pourquoi venir si tôt, lui dis-je ; il eût été plus prudent d’attendre encore deux jours. — Tout est prévu ; et c’est le hasard qui m’amène ici. Je suis censé revenir