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cette brillante théorie. Elle serait un hors-d’œuvre en cet ouvrage. Dans la situation où nous avons supposé que se trouvait un ménage, l’homme assez imprudent pour coucher loin de sa femme ne mériterait même pas de pitié pour un malheur qu’il aurait appelé.

Résumons-nous donc.

Tous les hommes ne sont pas assez puissants pour entreprendre d’habiter un appartement séparé de celui de leurs femmes ; tandis que tous les hommes peuvent se tirer tant bien que mal des difficultés qui existent à ne faire qu’un seul lit.

Nous allons donc nous occuper de résoudre les difficultés que des esprits superficiels pourraient apercevoir dans ce dernier mode, pour lequel notre prédilection est visible.

Mais que ce paragraphe, en quelque sorte muet, abandonné par nous aux commentaires de plus d’un ménage, serve de piédestal à la figure imposante de Lycurgue, celui des législateurs antiques à qui les Grecs durent les pensées les plus profondes sur le mariage. Puisse son système être compris par les générations futures ! Et si les mœurs modernes comportent trop de mollesse pour l’adopter tout entier, que du moins elles s’imprègnent du robuste esprit de cette admirable législation.




§ III. — D’UN SEUL ET MÊME LIT.


Par une nuit du mois de décembre, le grand Frédéric, ayant contemplé le ciel dont toutes les étoiles distillaient cette lumière vive et pure qui annonce un grand froid, s’écria : « Voilà un temps qui vaudra bien des soldats à la Prusse !… »

Le roi exprimait là, dans une seule phrase, l’inconvénient principal que présente la cohabitation constante des époux. Permis à Napoléon et à Frédéric d’estimer plus ou moins une femme suivant le nombre de ses enfants ; mais un mari de talent doit, d’après les maximes de la Méditation XIIIe, ne considérer la fabrication d’un enfant que comme un moyen de défense, et c’est à lui de savoir s’il est nécessaire de le prodiguer.

Cette observation mène à des mystères auxquels la Muse physiologique doit se refuser. Elle a bien consenti à entrer dans les chambres nuptiales quand elles sont inhabitées ; mais, vierge et prude, elle rougit à l’aspect des jeux de l’amour.