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qu’il y avait eu échange d’âme et de transpiration (telles sont ses paroles), rien, pas même la maladie, ne devait séparer les époux. Cette matière est trop délicate pour qu’il soit possible de la soumettre à des principes.

Quelques têtes étroites pourront objecter aussi qu’il existe plusieurs familles patriarcales dont la jurisprudence érotique est inébranlable sur l’article des alcôves à deux lits, et qu’on y est heureux de père en fils. Mais, pour toute réponse, l’auteur déclare qu’il connaît beaucoup de gens très-respectables qui passent leur vie à aller voir jouer au billard.

Ce mode de coucher doit donc être désormais jugé pour tous les bons esprits, et nous allons passer à là seconde manière dont s’organise une couche nuptiale.




§ II. — DES CHAMBRES SÉPARÉES.


Il n’existe pas en Europe cent maris par nation qui possèdent assez bien la science du mariage, ou de la vie, si l’on veut, pour pouvoir habiter un appartement séparé de celui de leurs femmes.

Savoir mettre en pratique ce système !… c’est le dernier degré de la puissance intellectuelle et virile.

Deux époux qui habitent séparés ont, ou divorcé, ou su trouver le bonheur. Ils s’exècrent ou ils s’adorent.

Nous n’entreprendrons pas de déduire ici les admirables préceptes de cette théorie, dont le but est de rendre la constance et la fidélité une chose facile et délicieuse. Cette réserve est respect, et non pas impuissance en l’auteur. Il lui suffit d’avoir proclamé que, par ce système seul, deux époux peuvent réaliser les rêves de tant de belles âmes : il sera compris de tous les fidèles.

Quant aux profanes !.. il aura bientôt fait justice de leurs interrogations curieuses, en leur disant que le but de cette institution est de donner le bonheur à une seule femme. Quel est celui d’entre eux qui voudrait priver la société de tous les talents dont il se croit doué, au profit de qui ?… d’une femme !… Cependant rendre sa compagne heureuse est le plus beau titre de gloire à produire à la vallée de Josaphat, puisque, selon la Genèse, Ève n’a pas été satisfaite du paradis terrestre. Elle y a voulu goûter le fruit détendu, éternel emblème de l’adultère.

Mais il existe une raison péremptoire qui nous interdit de développer