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a été content ; il entre dans le gouvernement comme une foule de zéros qui donnent de la valeur à l’unité. Mais le peuple veut-il se remuer, on commence avec lui le drame du dîner de Sancho, quand l’écuyer, devenu souverain de son île en terre-ferme, essaie de manger. Or, nous autres hommes, nous devons parodier cette admirable scène au sein de nos ménages. Ainsi, ma femme a bien le droit de sortir, mais en me déclarant où elle va, comment elle va, pour quelle affaire elle va, et quand elle reviendra. Au lieu d’exiger ces renseignements avec la brutalité de nos polices, qui se perfectionneront sans doute un jour, j’ai le soin de revêtir les formes les plus gracieuses. Sur mes lèvres, dans mes yeux, sur mes traits, se jouent et paraissent tour à tour les accents et les signes de la curiosité et de l’indifférence, de la gravité et de la plaisanterie, de la contradiction et de l’amour. C’est de petites scènes conjugales pleines d’esprit, de finesse et de grâce, qui sont très-agréables à jouer. Le jour où j’ai ôté de dessus la tête de ma femme la couronne de fleurs d’oranger qu’elle portait, j’ai compris que nous avions joué, comme au couronnement d’un roi, les premiers lazzis d’une longue comédie. — J’ai des gendarmes !… J’ai ma garde royale, j’ai mes procureurs généraux, moi !.. reprit-il avec une sorte d’enthousiasme. Est-ce que je souffre jamais que madame aille à pied sans être accompagnée d’un laquais en livrée ? Cela n’est-il pas du meilleur ton ? sans compter l’agrément qu’elle a de dire à tout le monde : — J’ai des gens. Mais mon principe conservateur a été de toujours faire coïncider mes courses avec celles de ma femme, et depuis deux ans j’ai su lui prouver que c’était pour moi un plaisir toujours nouveau de lui donner le bras. S’il fait mauvais à marcher, j’essaie de lui apprendre à conduire avec aisance un cheval fringant ; mais je vous jure que je m’y prends de manière à ce qu’elle ne le sache pas de sitôt !… Si, par hasard ou par l’effet de sa volonté bien prononcée, elle voulait s’échapper sans passe-port, c’est-à-dire dans sa voiture et seule, n’ai-je pas un cocher, un heiduque, un groom ? Alors ma femme peut aller où elle veut, elle emmène toute une sainte hermandad, et je suis bien tranquille… Mais, mon cher monsieur, combien de moyens n’avons-nous pas de détruire la charte conjugale par la pratique, et la lettre par l’interprétation ! J’ai remarqué que les mœurs de la haute société comportent une flânerie qui dévore la moitié de la vie d’une femme, sans qu’elle puisse se sentir vivre. J’ai, pour mon compte, formé le projet d’amener adroitement