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aussi élégante que légère, des yeux vifs, tout contrastait entre l’oncle et le neveu. J’arrivai précisément au moment où la jeune comtesse montrait le trictrac à son parent. Le proverbe dit que les femmes n’apprennent ce jeu que de leurs amants, et réciproquement. Or, pendant une partie, monsieur de Nocé avait surpris le matin même entre sa femme et le vicomte un de ces regards confusément empreints d’innocence, de peur et de désir. Le soir, il nous proposa une partie de chasse, qui fut acceptée. Jamais je ne le vis si dispos et si gai qu’il le parut le lendemain matin, malgré les sommations de sa goutte qui lui réservait une prochaine attaque. Le diable n’aurait pas su mieux que lui mettre la bagatelle sur le tapis. Il était ancien mousquetaire gris, et avait connu Sophie Arnoult. C’est tout dire. La conversation devint bientôt la plus gaillarde du monde entre nous trois ; Dieu m’en absolve ! — Je n’aurais jamais cru que mon oncle fût une si bonne lame ! me dit le neveu. Nous fîmes une halte, et quand nous fûmes tous trois assis sur la pelouse d’une des plus vertes clairières de la forêt, le comte nous avait amenés à discourir sur les femmes mieux que Brantôme et l’Aloysia. — « Vous êtes bien heureux sous ce gouvernement-ci, vous autres !… les femmes ont des mœurs !… (Pour apprécier l’exclamation du vieillard, il faudrait avoir écouté les horreurs que le capitaine avait racontées.) Et, reprit le comte, c’est un des biens que la révolution a produits. Ce système donne aux passions bien plus de charme et de mystère. Autrefois, les femmes étaient faciles ; eh ! bien, vous ne sauriez croire combien il fallait d’esprit et de verve pour réveiller ces tempéraments usés : nous étions toujours sur le qui vive. Mais aussi, un homme devenait célèbre par une gravelure bien dite ou par une heureuse insolence. Les femmes aiment cela, et ce sera toujours le plus sûr moyen de réussir auprès d’elles !… » Ces derniers mots furent dits avec un dépit concentré. Il s’arrêta et fit jouer le chien de son fusil comme pour déguiser une émotion profonde — « Ah ! bah ! dit-il, mon temps est passé ! Il faut avoir l’imagination jeune… et le corps aussi !… Ah ! pourquoi me suis-je marié ? Ce qu’il y a de plus perfide chez les filles élevées par les mères qui ont vécu à cette brillante époque de la galanterie, c’est qu’elles affichent un air de candeur, une pruderie… Il semble que le miel le plus doux offenserait leurs lèvres délicates, et ceux qui les connaissent savent qu’elles mangeraient des dragées de sel ! » Il se leva, haussa son