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épouse, maintenir la vôtre, au nom de votre félicité commune, dans la région d’idées où elle est née, car il faut songer aussi qu’un moment d’orgueil chez elle peut vous perdre, en menant sur le trône un esclave qui sera d’abord tenté d’abuser du pouvoir.

Après tout, en suivant le système prescrit par cette Méditation, un homme supérieur en sera quitte pour mettre ses pensées en petite monnaie lorsqu’il voudra être compris de sa femme, si toutefois cet homme supérieur a fait la sottise d’épouser une de ces pauvres créatures, au lieu de se marier à une jeune fille de laquelle il aurait éprouvé long-temps l’âme et le cœur.

Par cette dernière observation matrimoniale, notre but n’est pas de prescrire à tous les hommes supérieurs de chercher des femmes supérieures, et nous ne voulons pas laisser chacun expliquer nos principes à la manière de madame de Staël, qui tenta grossièrement de s’unir à Napoléon. Ces deux êtres-là eussent été très-malheureux en ménage ; et Joséphine était une épouse bien autrement accomplie que cette virago du dix-neuvième siècle.

En effet, lorsque nous vantons ces filles introuvables, si heureusement élevées par le hasard, si bien conformées par la nature, et dont l’âme délicate supporte le rude contact de la grande âme de ce que nous appelons un homme, nous entendons parler de ces nobles et rares créatures dont Goëthe a donné un modèle dans la Claire du Comte d’Egmont : nous pensons à ces femmes qui ne recherchent d’autre gloire que celle de bien rendre leur rôle ; se pliant avec une étonnante souplesse aux plaisirs et aux volontés de ceux que la nature leur a donnés pour maîtres ; s’élevant tour à tour dans les immenses sphères de leur pensée, et s’abaissant à la simple tâche de les amuser comme des enfants ; comprenant et les bizarreries de ces âmes si fortement tourmentées, et les moindres paroles et les regards les plus vagues ; heureuses du silence, heureuses de la diffusion ; devinant enfin que les plaisirs, les idées et la morale d’un lord Byron ne doivent pas être ceux d’un bonnetier. Mais arrêtons-nous, cette peinture nous entraînerait trop loin de notre sujet : il s’agit de mariage et non pas d’amour.