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femme dit ; le second, de toujours chercher l’esprit de ses actions sans vous arrêter à la lettre ; et le troisième, de ne pas oublier qu’une femme n’est jamais si bavarde que quand elle se tait, et n’agit jamais avec plus d’énergie que lorsqu’elle est en repos.

Dès ce moment, vous êtes comme un cavalier qui, monté sur un cheval sournois, doit toujours le regarder entre les deux oreilles, sous peine d’être désarçonné.

Mais l’art est bien moins dans la connaissance des principes que dans la manière de les appliquer : les révéler à des ignorants, c’est laisser des rasoirs sous la main d’un singe. Aussi, le premier et le plus vital de vos devoirs est-il dans une dissimulation perpétuelle à laquelle manquent presque tous les maris. En s’apercevant d’un symptôme minotaurique un peu trop marqué chez leurs femmes, la plupart des hommes témoignent, tout d’abord, d’insultantes méfiances. Leurs caractères contractent une acrimonie qui perce ou dans leurs discours, ou dans leurs manières ; et la crainte est, dans leur âme, comme un bec de gaz sous un globe de verre, elle éclaire leur visage aussi puissamment qu’elle explique leur conduite.

Or, une femme qui a, sur vous, douze heures dans la journée pour réfléchir et vous observer, lit vos soupçons écrits sur votre front au moment même où ils se forment. Cette injure gratuite, elle ne la pardonnera jamais. Là, il n’existe plus de remède ; là, tout est dit : le lendemain même s’il y a lieu, elle se range parmi les femmes inconséquentes.

Vous devez donc, dans la situation respective des deux parties belligérantes, commencer par affecter envers votre femme cette confiance sans bornes que vous aviez naguère en elle. Si vous cherchez à l’entretenir dans l’erreur par de mielleuses paroles, vous êtes perdu, elle ne vous croira pas ; car elle a sa politique comme vous avez la vôtre. Or, il faut autant de finesse que de bonhomie dans vos actions, pour lui inculquer, à son propre insu, ce précieux sentiment de sécurité qui l’invite à remuer les oreilles, et vous permet de n’user qu’à propos de la bride ou de l’éperon.

Mais comment oser comparer un cheval, de toutes les créatures la plus candide, à un être que les spasmes de sa pensée et les affections de ses organes rendent par moments plus prudent que le Servite Fra-Paolo, le plus terrible Consulteur que les Dix aient eu à Venise ; plus dissimulé qu’un roi ; plus adroit que Louis XI ; plus profond que Machiavel ; sophistique autant que Hobbes ; fin