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Elle se mettra peut-être à table sans vous attendre.

Si elle passe en voiture au milieu d’une ville, elle vous indiquera certains objets que vous n’aperceviez pas ; elle chantera devant vous sans avoir peur ; elle vous coupera la parole, ne vous répondra quelquefois pas, et vous prouvera de vingt manières différentes qu’elle jouit près de vous de toutes ses facultés et de son bon sens.

Elle cherchera à abolir entièrement votre influence dans l’administration de la maison, et tentera de devenir seule maîtresse de votre fortune. D’abord, cette lutte sera une distraction pour son âme vide ou trop fortement remuée ; ensuite elle trouvera dans votre opposition un nouveau motif de ridicule. Les expressions consacrées ne lui manqueront pas, et en France nous cédons si vite au sourire ironique d’autrui !…

De temps à autre, apparaîtront des migraines et des mouvements de nerfs ; mais ces symptômes donneront lieu à toute une Méditation.

Dans le monde, elle parlera de vous sans rougir, et vous regardera avec assurance.

Elle commencera à blâmer vos moindres actes, parce qu’ils seront en contradiction avec ses idées ou ses intentions secrètes.

Elle n’aura plus autant de soin de ce qui vous touche, elle ne saura seulement pas si vous avez tout ce qu’il vous faut. Vous ne serez plus le terme de ses comparaisons.

À l’imitation de Louis XIV qui apportait à ses maîtresses les bouquets de fleurs d’oranger que le premier jardinier de Versailles lui mettait tous les matins sur sa table, M. de Vivonne donnait presque tous les jours des fleurs rares à sa femme pendant le premier temps de son mariage. Un soir il trouva le bouquet gisant sur une console, sans avoir été placé comme à l’ordinaire dans un vase plein d’eau. — « Oh ! oh ! dit-il si je ne suis pas un sot, je ne tarderai pas à l’être. »

Vous êtes en voyage pour huit jours et vous ne recevez pas de lettre, ou vous en recevez une dont trois pages sont blanches… Symptôme.

Vous arrivez monté sur un cheval de prix, que vous aimez beaucoup, et, entre deux baisers, votre femme s’inquiète du cheval et de son avoine… Symptôme.

À ces traits, vous pouvez maintenant en ajouter d’autres. Nous