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leur intérieur, toute leur vie, sans le savoir. Cette révolution domestique s’opère toujours d’après des règles certaines ; car les révolutions de la Lune de Miel sont aussi sûres que les phases de la lune du ciel et s’appliquent à tous les ménages ! n’avons-nous pas prouvé que la nature morale a ses lois, comme la nature physique ?

Votre jeune femme ne prendra jamais, comme nous l’avons dit ailleurs, un amant sans faire de sérieuses réflexions. Au moment où la Lune de Miel décroît, vous avez plutôt développé chez elle le sentiment du plaisir que vous ne l’avez satisfait ; vous lui avez ouvert le livre de vie, elle conçoit admirablement par le prosaïsme de votre facile amour la poésie qui doit résulter de l’accord des âmes et des voluptés. Comme un oiseau timide, épouvanté encore par le bruit d’une mousqueterie qui a cessé, elle avance la tête hors du nid, regarde autour d’elle, voit le monde ; et, tenant le mot de la charade que vous avez jouée, elle sent instinctivement le vide de votre passion languissante. Elle devine que ce n’est plus qu’avec un amant qu’elle pourra reconquérir le délicieux usage de son libre arbitre en amour.

Vous avez séché du bois vert pour un feu à venir.

Dans la situation où vous vous trouvez l’un et l’autre, il n’existe pas de femme, même la plus vertueuse, qui ne se soit trouvée digne d’une grande passion, qui ne l’ait rêvée, et qui ne croie être très-inflammable ; car il y a toujours de l’amour-propre à augmenter les forces d’un ennemi vaincu.

— Si le métier d’honnête femme n’était que périlleux, passe encore… me disait une vieille dame ; mais il ennuie, et je n’ai jamais rencontré de femme vertueuse qui ne pensât jouer en dupe.

Alors, et avant même qu’aucun amant ne se présente, une femme en discute pour ainsi dire la légalité ; elle subit un combat que se livrent en elle les devoirs, les lois, la religion et les désirs secrets d’une nature qui ne reçoit de frein que celui qu’elle s’impose. Là commence pour vous un ordre de choses tout nouveau ; là, se trouve le premier avertissement que la nature, cette indulgente et bonne mère, donne à toutes les créatures qui ont à courir quelque danger. La nature a mis au cou du minotaure une sonnette, comme à la queue de cet épouvantable serpent, l’effroi du voyageur. Alors se déclarent, dans votre femme, ce que nous appellerons les premiers symptômes, et malheur à qui n’a pas su les combattre ! ceux qui en nous lisant se souviendront de les avoir