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les auxquelles est promise la plus longue existence ; dans l’ordre moral, les ouvrages faits hier meurent demain ; dans l’ordre physique, le sein qui enfreint les lois de la gestation livre un fruit mort. En tout, une œuvre de durée est long-temps couvée par le temps. Un long avenir demande un long passé. Si l’amour est un enfant, la passion est un homme. Cette loi générale, qui régit la nature, les êtres, et les sentiments, est précisément celle que tous les mariages enfreignent, ainsi que nous l’avons démontré. Ce principe a créé les fables amoureuses de notre moyen âge : les Amadis, les Lancelot, les Tristan des fabliaux, dont la constance en amour paraît fabuleuse à juste titre, sont les allégories de cette mythologie nationale que notre imitation de la littérature grecque a tuée dans sa fleur. Ces figures gracieuses dessinées par l’imagination des trouvères consacraient cette vérité.


LVIII.

Nous ne nous attachons d’une manière durable aux choses que d’après les soins, les travaux ou les désirs qu’elles nous ont coûté.




Tout ce que nos méditations nous ont révélé sur les causes de cette loi primordiale des amours, se réduit à l’axiome suivant, qui en est tout à la fois le principe et la conséquence.


LIX.

En toute chose l’on ne reçoit qu’en raison de ce que l’on donne.




Ce dernier principe est tellement évident par lui-même que nous n’essaierons pas de le démontrer. Nous n’y joindrons qu’une seule observation, qui ne nous paraît pas sans importance. Celui qui a dit : Tout est vrai et tout est faux, a proclamé un fait que l’esprit humain naturellement sophistique interprète à sa manière, car il semble vraiment que les choses humaines aient autant de facettes qu’il y a d’esprits qui les considèrent. Ce fait, le voici :

Il n’existe pas dans la création une loi qui ne soit balancée par une loi contraire : la vie en tout est résolue par l’équilibre de deux forces contendantes. Ainsi, dans le sujet qui no