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heureux pour toi (quoiqu’il ne le soit pas autant pour moi) que l’occasion se soit offerte, et que je me sois trouvé capable de t’écrire quelques instructions sur ce sujet.

 » Si c’eût été le bon plaisir de celui qui distribue nos lois de te départir plus de connaissances qu’à moi, j’aurais été charmé que tu te fusses assis à ma place, et que cette plume fût entre tes mains ; mais puisque c’est à moi à t’instruire, et que madame Shandy est là auprès de moi, se disposant à se mettre au lit, je vais jeter ensemble et sans ordre sur le papier des idées et des préceptes concernant le mariage, tels qu’ils me viendront à l’esprit, et que je croirai qu’ils pourront être d’usage pour toi ; voulant en cela te donner un gage de mon amitié, et ne doutant pas, mon cher Tobie, de la reconnaissance avec laquelle tu la recevras.

 » En premier lieu, à l’égard de ce qui concerne la religion dans cette affaire (quoique le feu qui monte au visage me fasse apercevoir que je rougis en te parlant sur ce sujet ; quoique je sache, en dépit de ta modestie, qui nous le laisserait ignorer, que tu ne négliges aucune de ses pieuses pratiques), il en est une cependant que je voudrais te recommander d’une manière plus particulière pour que tu ne l’oubliasses point, du moins pendant tout le temps que dureront tes amours. Cette pratique, frère Tobie, c’est de ne jamais te présenter chez celle qui est l’objet de tes poursuites, soit le matin, soit le soir, sans te recommander auparavant à la protection du Dieu tout-puissant, pour qu’il te préserve de tout malheur.

 » Tu te raseras la tête, et tu la laveras tous les quatre ou cinq jours, et même plus souvent, si tu le peux, de peur qu’en ôtant ta perruque dans un moment de distraction, elle ne distingue combien de tes cheveux sont tombés sous la main du Temps, et combien sous celle de Trim.

 » Il faut, autant que tu le pourras, éloigner de son imagination toute idée de tête chauve.

 » Mets-toi bien dans l’esprit, Tobie, et suis cette maxime comme sûre :

 » Toutes les femmes sont timides. Et il est heureux qu’elles le soient ; autrement, qui voudrait avoir affaire à elles ?

 » Que tes culottes ne soient ni trop étroites ni trop larges, et ne ressemblent pas à ces grandes culottes de nos ancêtres.

 » Un juste medium prévient tous les commentaires.