Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 16.djvu/365

Cette page n’a pas encore été corrigée

petites filles, jolies à croquer ; elles en sont à l’À, B, C de la vie, et jouent innocemment avec d’autres enfants, sans se douter que ces petits malis, qui alors les font rire, les feront pleurer un jour.

Maintenant, sur les deux millions de femmes restant, quel est l’homme raisonnable qui ne nous abandonnera pas cent mille pauvres filles bossues, laides, quinteuses, rachitiques, malades, aveugles, blessées, pauvres quoique bien élevées, mais demeurant toutes demoiselles et n’offensant aucunement, par ce moyen, les saintes lois du mariage ?

Nous refusera-t-on cent mille autres filles qui se trouvent sœurs de Sainte-Camille, sœurs de charité, religieuses, institutrices, demoiselles de compagnie, etc. ? Mais nous mettrons dans ce saint voisinage le nombre assez difficile à évaluer des jeunes personnes trop grandes pour jouer avec les petits garçons, et trop jeunes encore pour éparpiller leurs couronnes de fleurs d’oranger.

Enfin, sur les quinze cent mille sujets qui se trouvent au fond de notre creuset, nous diminuerons encore cinq cent mille autres unités que nous attribuerons aux filles de Baal, qui font plaisir aux gens peu délicats. Nous y comprendrons même, sans crainte qu’elles ne se gâtent ensemble, les femmes entretenues, les modistes, les filles de boutique, les mercières, les actrices, les cantatrices, les filles d’opéra, les figurantes, les servantes-maîtresses, les femmes de chambre, etc. La plupart de ces créatures excitent bien des passions, mais elles trouvent de l’indécence à faire prévenir un notaire, un maire, un ecclésiastique et un monde de rieurs du jour et du moment où elles se donnent à leur amant. Leur système, justement blâmé par une société curieuse, a l’avantage de ne les obliger à rien envers les hommes, envers M. le maire, envers la justice. Or, ne portant atteinte à aucun serment public, ces femmes n’appartiennent en rien à un ouvrage exclusivement consacré aux mariages légitimes.

C’est demander bien peu pour cet article, dira-t-on, mais il formera compensation à ceux que des amateurs pourraient trouver trop enflés. Si quelqu’un, par amour pour une riche douairière, veut la faire passer dans le million restant, il la prendra sur le chapitre des sœurs de charité, des filles d’opéra ou des bossues. Enfin, nous n’avons appelé que cinq cent mille têtes à former cette dernière catégorie, parce qu’il arrive souvent, comme on l’a vu ci-dessus, que les neuf millions de paysannes l’augmentent d’un grand