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voyez, en toute chose purement physique, un conséquent et sublime ouvrier. Pourquoi sa logique s’arrêterait-elle à l’homme, sa création la plus achevée ? Si cette question n’est pas convaincante, elle exige au moins quelques méditations. Si vous niez Dieu, heureusement afin d’établir vos doutes vous reconnaissez des faits à double tranchant qui tuent tout aussi bien vos raisonnements que vos raisonnements tuent Dieu. Nous avons également admis que la Matière et l’Esprit étaient deux créations qui ne se comprenaient point l’une l’autre, que le monde spirituel se composait de rapports infinis auxquels donnait lieu le monde matériel fini ; que si nul sur la terre n’avait pu s’identifier par la puissance de son esprit avec l’ensemble des créations terrestres, à plus forte raison nul ne pouvait s’élever à la connaissance des rapports que l’esprit aperçoit entre ces créations. Ainsi, déjà nous pourrions en finir d’un seul coup, en vous déniant la faculté de comprendre Dieu, comme vous déniez aux cailloux du Fiord la faculté de se compter et de se voir. Savez-vous s’ils ne nient pas l’homme, eux, quoique l’homme les prenne pour s’en bâtir sa maison ? Il est un fait qui vous écrase, l’infini ; si vous le sentez en vous, comment n’en admettez-vous pas les conséquences ? le fini peut-il avoir une entière connaissance de l’infini ? Si vous ne pouvez embrasser les rapports qui, de votre aveu, sont infinis, comment embrasseriez-vous la fin éloignée dans laquelle ils se résument ? L’ordre dont la révélation est un de vos besoins étant infini, votre raison bornée l’entendra-t-elle ? Et ne demandez pas pourquoi l’homme ne comprend point ce qu’il peut percevoir, car il perçoit également ce qu’il ne comprend pas. Si je vous démontre que votre esprit ignore tout ce qui se trouve à sa portée, m’accorderez-vous qu’il lui soit impossible de concevoir ce qui la dépasse ? N’aurai-je alors pas raison de vous dire : — « L’un des termes sous lesquels Dieu périt au tribunal de votre raison doit être vrai, l’autre est faux ; la création existant, vous sentez la nécessité d’une fin, cette fin ne doit-elle pas être belle ? Or, si la matière se termine en l’homme par l’intelligence, pourquoi ne vous contenteriez-vous pas de savoir que la fin de l’intelligence humaine est la lumière des sphères supérieures auxquelles est réservée l’intuition de ce Dieu qui vous semble être un problème insoluble ? Les espèces qui sont au-dessous de vous n’ont pas l’intelligence des mondes, et vous l’avez ; pourquoi ne se trouverait-il pas au-dessus de vous des espèces plus intelligentes que la vôtre ? Avant