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Parole ; il comprend alors que les créations ne sont que des transformations ; elle vivifie son intelligence et lui donne pour les vérités une soif ardente qui ne peut s’étancher que dans le ciel. Il conçoit, suivant le plus ou le moins de perfection de son intérieur, la puissance des Esprits Angéliques, et marche, conduit par le Désir, l’état le moins imparfait de l’homme non régénéré, vers l’Espérance qui lui ouvre le monde des Esprits, puis il arrive à la Prière qui lui donne la clef des Cieux. Quelle créature ne désirerait se rendre digne d’entrer dans la sphère des intelligences qui vivent secrètement par l’Amour ou par la Sagesse ? Ici-bas, pendant leur vie, ces Esprits restent purs ; ils ne voient, ne pensent et ne parlent point comme les autres hommes. Il existe deux perceptions : l’une interne, l’autre externe ; l’Homme est tout externe, l’Esprit Angélique est tout interne. L’Esprit va au fond des Nombres, il en possède la totalité, connaît leurs signifiances. Il dispose du mouvement et s’associe à tout par l’ubiquité : Un ange, selon le Prophète Suédois, est présent à un autre quand il le désire (Sap, Ang. De Div. AM.) ; car il a le don de se séparer de son corps, et voit les cieux comme les prophètes les ont vus, et comme Swedenborg les voyait lui-même. « Dans cet état, dit-il (Vraie Religion, 136), l’esprit de l’homme est transporté d’un lieu à un autre, le corps restant où il est, état dans lequel j’ai demeuré pendant vingt-six années. » Nous devons entendre ainsi toutes les paroles bibliques où il est dit : L’esprit m’emporta. La Sagesse angélique est à la Sagesse humaine ce que les innombrables forces de la nature sont à son action, qui est une. Tout revit, se meut, existe en l’Esprit, car il est en Dieu : ce qu’expriment ces paroles de saint Paul : « In Deo sumus, movemur, et vivimus ; nous vivons, nous agissons, nous sommes en Dieu. » La Terre ne lui offre aucun obstacle, comme la Parole ne lui offre aucune obscurité. Sa divinité prochaine lui permet de voir la pensée de Dieu voilée par le Verbe, de même que vivant par son intérieur, l’Esprit communique avec le sens intime caché sous toutes les choses de ce monde. La Science est le langage du monde Temporel, l’Amour est celui du monde Spirituel. Aussi l’homme décrit-il plus qu’il n’explique, tandis que l’Esprit Angélique voit et comprend. La Science attriste l’homme, l’amour exalte l’Ange. La Science cherche encore, l’Amour a trouvé. L’Homme juge la nature dans ses rapports avec elle ; l’Esprit Angélique la juge dans ses rap-