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de ses temples, ses palais d’or, de ses villas superbes où s’ébattent les anges ; d’autres se sont moqués de ses bosquets d’arbres mystérieux, de ses jardins où les fleurs parlent, où l’air est blanc, où les pierreries mystiques, la sardoine, l’escarboucle, la chrysolite, la chrysoprase, la cyanée, la chalcédoine, le béryl, l’urim et le thumim sont doués de mouvement, expriment des vérités célestes, et qu’on peut interroger, car elles répondent par des variations de lumière (vraie religion, 219) ; beaucoup de bons esprits n’admettent pas ses mondes où les couleurs font entendre de délicieux concerts, où les paroles flamboient, où le Verbe s’écrit en cornicules (vraie religion, 278). Dans le Nord même, quelques écrivains ont ri de ses portes de perles, de diamants qui tapissent et meublent les maisons de sa Jérusalem où les moindres ustensiles sont faits des substances les plus rares du globe. « Mais, disent ses disciples, parce que tous ces objets sont clairsemés dans ce monde, est-ce une raison pour qu’ils ne soient pas abondants en l’autre ? Sur la terre, ils sont d’une substance terrestre, tandis que dans les cieux ils sont sous les apparences célestes et relatives à l’état d’ange. » Swedenborg a d’ailleurs répété, à ce sujet, ces grandes paroles de JÉSUS-CHRIST : Je vous enseigne en me servant des paroles terrestres, et vous ne m’entendez pas ; si je parlais le langage du ciel, comment pourriez-vous me comprendre ! (Jean, 3, 12). — Monsieur, moi j’ai lu Swedenborg en entier, reprit monsieur Becker en laissant échapper un geste emphatique. Je le dis avec orgueil, puisque j’ai gardé ma raison. En le lisant, il faut ou perdre le sens, ou devenir un Voyant. Quoique j’aie résisté à ces deux folies, j’ai souvent éprouvé des ravissements inconnus, des saisissements profonds, des joies intérieures que donnent seules la plénitude de la vérité, l’évidence de la lumière céleste. Tout ici-bas semble petit quand l’âme parcourt les pages dévorantes de ces Traités. Il est impossible de ne pas être frappé d’étonnement en songeant que, dans l’espace de trente ans, cet homme a publié, sur les vérités du monde spirituel, vingt-cinq volumes in-quarto, écrits en latin, dont le moindre a cinq cents pages, et qui sont tous imprimés en petits caractères. Il en a laissé, dit-on, vingt autres à Londres, déposés à son neveu, M. Silverichm, ancien aumônier du roi de Suède. Certes, l’homme qui, de vingt à soixante ans, s’était presque épuisé par la publication d’une sorte d’encyclopédie, a dû recevoir des secours surnaturels pour compo-