Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 16.djvu/24

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du sang qui se logèrent autour du Louvre. Depuis que la royauté avait déserté le faubourg Saint-Antoine, où elle s’abrita sous la Bastille pendant deux siècles, pour venir se fixer au Louvre, beaucoup de grands seigneurs demeuraient aux environs. Or, l’hôtel de Bourbon avait pour pendant du côté de la rue Saint-Honoré le vieil hôtel d’Alençon. Cette demeure des comtes de ce nom, toujours comprise dans l’apanage, appartenait alors au quatrième fils de Henri II, qui prit plus tard le titre de duc d’Anjou et qui mourut sous Henri III, auquel il donna beaucoup de tablature. L’apanage revint alors à la Couronne, ainsi que ce vieil hôtel qui fut démoli. En ce temps, l’hôtel d’un prince offrait un vaste ensemble de constructions et pour s’en faire une idée, il faut aller mesurer l’espace que tient encore, dans le Paris moderne, l’hôtel Soubise au Marais. Un hôtel comprenait les établissements exigés par ces grandes existences qui peuvent paraître presque problématiques à beaucoup de personnes qui voient aujourd’hui le piètre état d’un prince. C’était d’immenses écuries, le logement des médecins, des bibliothécaires, des chanceliers, du clergé, des trésoriers, officiers, pages, serviteurs gagés et valets attachés à la maison du prince. Vers la rue Saint-Honoré, se tramait, dans un jardin de l’hôtel, une jolie petite maison que la célèbre duchesse d’Alençon avait fait construire en 1520, et qui depuis avait été entourée de maisons particulières bâties par des marchands. Le roi y avait logé Marie Touchet. Quoique le duc d’Alençon conspirât alors contre son frère, il était incapable de le contrarier en ce point.

Comme pour descendre la rue Saint-Honoré qui, dans ce temps, n’offrait de chances aux voleurs qu’à partir de la barrière des Sergents, il fallait passer devant l’hôtel de sa mie, il était difficile que le roi ne s’y arrêtât pas. En cherchant quelque bonne fortune, un bourgeois attardé à dévaliser ou le guet à battre, le roi levait le nez à tous les étages, et regardait aux endroits éclairés afin de voir ce qui s’y passait ou d’écouter les conversations. Mais il trouva sa bonne ville dans un état de tranquillité déplorable. Tout à coup, en arrivant à la maison d’un fameux parfumeur nommé René, qui fournissait la cour, le roi parut concevoir une de ces inspirations soudaines que suggèrent des observations antérieures, en voyant une forte lumière projetée par la dernière croisée du comble.

Ce parfumeur était véhémentement soupçonné de guérir les oncles riches quand ils se disaient malades, la cour lui attribuait l’in-