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ment attachés au roi, pour en composer une compagnie d’élire. Le roi pensait à tout.

Eh bien, Solern, dit Charles IX, ne nous faut-il pas un prétexte pour passer la nuit dehors ? J’avais bien madame de Belleville, mais ceci vaut mieux, car ma mère peut savoir ce qui se passe chez Marie.

Monsieur de Solern, qui devait suivre le roi, demanda la permission de battre les rues avec quelques-uns de ses Allemands, et Charles IX y consentit. Vers onze heures du soir, le roi, devenu gai, se mit en route avec ses trois courtisans pour explorer le quartier Saint-Honoré.

— J’irai surprendre ma mie, dit Charles IX à Tavannes, en passant par la rue de l’Autruche.

Pour rendre cette scène de nuit plus intelligible à ceux qui n’auraient pas présente à l’esprit la topographie du vieux Paris, il est nécessaire d’expliquer où se trouvait la rue de l’Autruche. Le Louvre de Henri II se continuait au milieu des décombres et des maisons. À la place de l’aile qui fait aujourd’hui face au Pont-des-Arts, il existait un jardin. Au lieu de la colonnade, se trouvaient des fossés et un pont-levis sur lequel devait être tué plus tard un Florentin, le maréchal d’Ancre. Au bout de ce jardin, s’élevaient les tours de l’hôtel de Bourbon, demeure des princes de cette maison jusqu’au jour où la trahison du grand connétable, ruiné par le séquestre de ses biens qu’ordonna François Ier pour ne pas prononcer entre sa mère et lui, termina ce procès si fatal à la France, par la confiscation des biens du connétable. Ce château, qui faisait un bel effet sur la rivière, ne fut démoli que sous Louis XIV. La rue de l’Autruche commençait rue Saint-Honoré et finissait à l’hôtel de Bourbon sur le quai. Cette rue nommée d’Autriche sur quelques vieux plans, et aussi de l’Austruc, a disparu de la carte comme tant d’autres. La rue des Poulies dut être pratiquée sur l’emplacement des hôtels qui s’y trouvaient du côté de la rue Saint-Honoré. Les auteurs ne sont pas d’accord sur l’étymologie de ce nom. Les uns supposent qu’il vient d’un hôtel d’Osteriche (Osterrichen) habité par une fille de cette maison qui épousa un seigneur français au quatorzième siècle. Les autres prétendent que là étaient jadis les volières royales où tout Paris accourut un jour voir une autruche vivante. Quoi qu’il en soit, cette rue tortueuse était remarquable par les hôtels de quelques princes