Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 16.djvu/189

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« Adieu la gloire, adieu l’avenir, adieu la vie que je rêvais ! Maintenant, ma tant aimée, ma gloire est d’être à toi, digne de toi ; mon avenir est tout entier dans l’espérance de te voir ; et ma vie ? n’est-ce pas de rester à tes pieds, de me coucher sous tes regards, de respirer en plein dans les cieux que tu m’as créés ? Toutes mes forces, toutes mes pensées doivent t’appartenir, à toi qui m’as dit ces enivrantes paroles : « Je veux tes peines ! » Ne serait-ce pas dérober des joies à l’amour, des moments au bonheur, des sentiments à ton âme divine, que de donner des heures à l’étude, des idées au monde, des poésies aux poètes ? Non, non, chère vie à moi, je veux tout te réserver, je veux t’apporter toutes les fleurs de mon âme. Existe-t-il rien d’assez beau, d’assez splendide dans les trésors de la terre et de l’intelligence pour fêter un cœur aussi riche, un cœur aussi pur que le tien, et auquel j’ose allier le mien, parfois ? Oui, parfois j’ai l’orgueil de croire que je sais aimer autant que tu aimes. Mais non, tu es un ange-femme : il se rencontrera toujours plus de charme dans l’expression de tes sentiments, plus d’harmonie dans ta voix, plus de grâce dans tes sourires, plus de pureté dans tes regards que dans les miens. Oui, laisse-moi penser que tu es une création d’une sphère plus élevée que celle où je vis ; tu auras l’orgueil d’en être descendue, j’aurai celui de t’avoir méritée, et tu ne seras peut-être pas déchue en venant à moi, pauvre et malheureux. Oui, si le plus bel asile d’une femme est un cœur tout à elle, tu seras toujours souveraine dans le mien. Aucune pensée, aucune action ne ternira jamais ce cœur, riche sanctuaire, tant que tu voudras y résider ; mais n’y demeuras-tu pas sans cesse ? Ne m’as-tu pas dit ce mot délicieux : Maintenant et toujours ! Et nunc et semper ! J’ai gravé sous ton portrait ces paroles du Rituel, dignes de toi, comme elles sont dignes de Dieu. Il est et maintenant et toujours, comme sera mon amour. Non, non, je n’épuiserai jamais ce qui est immense, infini, sans bornes ; et tel est le sentiment que je sens en moi pour toi, j’en ai deviné l’incommensurable étendue, comme nous devinons l’espace, par la mesure d’une de ses parties. Ainsi, j’ai eu des jouissances ineffables, des heures entières pleines de méditations