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a d’argent nulle part pour l’artiste, depuis que Rome n’est plus que de nom seulement la reine du monde chrétien. Tantôt bien accueilli, tantôt chassé pour ma misère, je ne perdais point courage ; j’écoutais les voix intérieures qui m’annonçaient la gloire ! La musique me paraissait être dans l’enfance. Cette opinion, je l’ai conservée. Tout ce qui nous reste du monde musical antérieur au dix-septième siècle, m’a prouvé que les anciens auteurs n’ont connu que la mélodie ; ils ignoraient l’harmonie et ses immenses ressources. La musique est tout à la fois une science et un art. Les racines qu’elle a dans la physique et les mathématiques en font une science ; elle devient un art par l’inspiration qui emploie à son insu les théorèmes de la science. Elle tient à la physique par l’essence même de la substance qu’elle emploie : le son est de l’air modifié ; l’air est composé de principes, lesquels trouvent sans doute en nous des principes analogues qui leur répondent, sympathisent et s’agrandissent par le pouvoir de la pensée. Ainsi l’air doit contenir autant de particules d’élasticités différentes, et capables d’autant de vibrations de durées diverses qu’il y a de tons dans les corps sonores, et ces particules perçues par notre oreille, mises en œuvre par le musicien, répondent à des idées suivant nos organisations. Selon moi, la nature du son est identique à celle de la lumière. Le son est la lumière sous une autre forme : l’une et l’autre procèdent par des vibrations qui aboutissent à l’homme et qu’il transforme en pensées dans ses centres nerveux. La musique, de même que la peinture, emploie des corps qui ont la faculté de dégager telle ou telle propriété de la substance-mère, pour en composer des tableaux. En musique, les instruments font l’office des couleurs qu’emploie le peintre. Du moment où tout son produit par un corps sonore est toujours accompagné de sa tierce majeure et de sa quinte, qu’il affecte des grains de poussière placés sur un parchemin tendu, de manière à y tracer des figures d’une construction géométrique toujours les mêmes, suivant les différents volumes du son, régulières quand on fait un accord, et sans formes exactes quand on produit des dissonances, je dis que la musique est un art tissu dans les entrailles même de la Nature. La musique obéit à des lois physiques et mathématiques. Les lois physiques sont peu connues, les lois mathématiques le sont davantage ; et, depuis qu’on a commencé à étudier leurs relations, on a créé l’harmonie, à laquelle nous avons dû Haydn, Mozart, Beetho-