Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 15.djvu/656

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Vrai Dieu ! s’écria le cardinal, les hérétiques ne le sont pas en fine politique.

Pour éviter toute difficulté, la reine, qui fut annoncée en ce moment, prit le parti de rester debout. Elle commença par causer avec le connétable qui lui parlait vivement du scandale de recevoir les envoyés de Calvin.

— Vous voyez, mon cher connétable, que nous les recevons sans cérémonie.

— Madame, dit l’amiral allant à la reine, voici les deux docteurs de la nouvelle religion qui se sont entendus avec Calvin, et qui ont ses instructions relativement à une conférence où les Églises de France pourraient accommoder leurs différends.

— Voici monsieur Théodore de Bèze, que ma femme aime très-fort, dit le roi de Navarre en survenant et prenant Théodore de Bèze par la main.

— Et voici Chaudieu, s’écria le prince de Condé. Mon ami le duc de Guise connaît le capitaine, dit-il en regardant le Balafré, peut-être sera-t-il content de connaître le ministre.

Cette gasconnade fit rire toute la cour, et même Catherine.

— Par ma foi, répondit le duc de Guise, je suis enchanté de voir un gars qui sait si bien choisir les hommes et les employer dans leur sphère. L’un des vôtres, dit-il au ministre, a soutenu, sans mourir et sans rien avouer, la question extraordinaire ; je me crois brave, et ne sais pas si je la supporterais ainsi !…

— Hum ! fit Ambroise Paré, vous n’avez rien dit quand je vous ai tiré le javelot du visage, à Calais.

Catherine, au centre du demi-cercle décrit à droite et à gauche par ses filles d’honneur et par ses courtisans, gardait un profond silence. En examinant les deux célèbres Réformés, elle cherchait à les pénétrer par son beau regard noir et intelligent, elle les étudiait.

— L’un semble être le fourreau et l’autre la lame, lui dit à l’oreille Albert de Gondi.

— Hé ! bien, messieurs, dit Catherine qui ne put retenir un sourire, votre maître vous a-t-il donné licence de faire une conférence publique où vous puissiez vous convertir à la parole des nouveaux Pères de l’Église qui sont la gloire de notre État ?

— Nous n’avons pas d’autre maître que le Seigneur, dit Chaudieu.

— Ah ! vous reconnaissez bien un peu d’autorité au roi de