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par le temps qui court, est bien difficile, et vous ne connaissez pas encore les maîtres à qui vous avez affaire. Vous n’aurez jamais d’autre ami sincère et sûr que votre mère, d’autres serviteurs que ceux qu’elle s’est attachés depuis longtemps, et sans les services desquels vous n’existeriez peut-être pas aujourd’hui. Les Guise en veulent et à votre trône et à votre personne, sachez-le. S’ils pouvaient me coudre dans un sac et me jeter dans la rivière, dit-elle en montrant la Seine, ce serait fait ce soir. Ces Lorrains sentent que je suis la lionne qui défend ses petits, qui arrête leurs mains hardies étendues sur la couronne. À qui, à quoi tient votre précepteur ! où sont ses alliances ! quelle est son autorité ? quels services vous rendra-t-il ? De quel poids sera sa parole ! Au lieu d’un étai pour soutenir votre pouvoir, vous l’avez démuni. Le cardinal de Lorraine vous menace, il fait le roi, il garde son chapeau sur la tête devant le premier prince du sang ; n’était-il donc pas urgent de lui opposer un autre cardinal revêtu d’une autorité supérieure à la sienne ? Est-ce Amyot, ce cordonnier capable de lui nouer les rubans de ses souliers, qui lui rompra en visière ? Enfin, vous aimez Amyot, vous l’avez nommé ! que votre première volonté soit faite, monsieur ! Mais, avant de vouloir, consultez-moi de bonne amitié ? Prêtez-vous aux raisons d’État, et votre bon sens d’enfant s’accordera peut-être avec ma vieille expérience pour décider, quand vous connaîtrez les difficultés.

— Vous me rendrez mon maître ! dit le roi sans trop écouter sa mère en ne voyant que des reproches dans sa réponse.

— Oui, vous l’aurez, répondit-elle. Mais ce n’est pas lui, ni même ce brutal de Cypierre, qui vous apprendront à régner.

— Ce sera vous, ma chère mère, dit-il adouci par son triomphe et en quittant cet air menaçant et sournois naturellement empreint sur sa physionomie.

Catherine envoya chercher le nouveau Grand-Aumônier par Gondi. Quand le Florentin eut découvert la retraite d’Amyot, et qu’on eut dit à l’évêque que le courtisan était envoyé par la reine, il fut pris de terreur et ne voulut pas sortir de l’abbaye. Dans cette extrémité, Catherine fut obligée d’écrire elle-même au précepteur dans de tels termes, qu’il revint et reçut d’elle l’assurance de sa protection, mais à la condition de la servir aveuglément, auprès de Charles IX.

Cette petite tempête domestique apaisée, Catherine, revenue au