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cablé par la nouvelle des apprêts faits pendant la nuit pour l’exécution de son frère.

Devant la cheminée du Bailliage était l’une des plus belles et plus grandes figures de ce temps, le chancelier de L’Hospital, dans sa simarre rouge à retroussis d’hermine, couvert de son mortier, suivant le privilége de sa charge. Cet homme courageux, en voyant des factieux dans ses bienfaiteurs, avait épousé les intérêts de ses rois, représentés par la reine-mère ; et, au risque de perdre la tête, il était allé se consulter avec le connétable, à Écouen ; personne n’osait le tirer de la méditation où il était plongé. Robertet, le secrétaire d’État, deux maréchaux de France, Vieilleville et Saint-André, le garde-des-sceaux, formaient un groupe devant le chancelier. Les courtisans ne riaient pas précisément ; mais leurs discours étaient malicieux, et surtout chez ceux qui ne tenaient pas pour les Guise.

Le cardinal avait enfin saisi l’Écossais Stuart, l’assassin du président Minard, et faisait commencer son procès à Tours. Il gardait également, dans le château de Blois et dans celui de Tours, un assez bon nombre de gentilshommes compromis, pour inspirer une sorte de terreur à la noblesse, qui ne se terrifiait point, et qui retrouvait dans la Réformation un appui pour cet amour de révolte inspiré par le sentiment de son égalité primitive avec le roi. Or, les prisonniers de Blois avaient trouvé moyen de s’évader, et, par une singulière fatalité, les prisonniers de Tours venaient d’imiter ceux de Blois.

— Madame, dit le cardinal de Châtillon à madame de Fiesque, si quelqu’un s’intéresse aux prisonniers de Tours, ils sont en grand danger.

En entendant cette phrase, le chancelier tourna la tête vers le groupe des filles de la reine-mère.

— Oui, le jeune Desvaux, l’écuyer du prince de Condé, qu’on retenait à Tours, vient d’ajouter une amère plaisanterie à sa fuite. Il a, dit-on, écrit à messieurs de Guise ce petit mot : « Nous avons appris l’évasion de vos prisonniers de Blois ; nous en avons été si fâchés, que nous nous sommes mis à courir après eux ; nous vous les ramènerons dès que nous les aurons arrêtés. »

Quoique la plaisanterie lui allât, le chancelier regarda monsieur de Châtillon d’un air sévère. On entendit en ce moment des voix s’élevant dans la chambre du roi. Les deux maréchaux, Ro-