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machines évidemment destinés au supplice de l’envoyé des Reformés. La curiosité de Christophe trouva bientôt matière à réflexion dans les préparatifs que les nouveaux venus firent dans la salle et sous ses yeux. Deux valets mal vêtus et grossiers obéissaient à un gros homme vigoureux et trapu qui, dès son entrée, avait jeté sur Christophe le regard de l’anthropophage sur sa victime ; il l’avait toisé, évalué, estimant en connaisseur les nerfs, leur force et leur résistance. Cet homme était le bourreau de Blois. En plusieurs voyages, ses gens apportèrent un matelas, des maillets, des coins de bois, des planches et des objets dont l’usage ne parut ni clair ni sain au pauvre enfant que ces préparatifs concernaient, et dont le sang se glaça dans ses veines, par suite d’une appréhension terrible, mais indéterminée. Deux personnages entrèrent au moment où monsieur de Montrésor reparut.

— Hé ! bien, rien n’est prêt ? dit le grand-prévôt que les deux nouveaux venus saluèrent avec respect. — Savez-vous, ajouta-t-il en s’adressant au gros homme et à ses deux valets, que monseigneur le cardinal vous croit à la besogne. — Docteur, reprit-il en s’adressant à l’un des deux nouveaux personnages, voilà votre homme. Et il désigna Christophe.

Le médecin alla droit au prisonnier, lui délia les mains, lui frappa sur la poitrine et dans le dos. La science recommençait sérieusement l’examen sournois du bourreau. Pendant ce temps, un serviteur à la livrée de la maison de Guise apporta plusieurs fauteuils, une table et tout ce qui était nécessaire pour écrire.

— Commencez le procès-verbal, dit monsieur de Montrésor, en désignant la table au second personnage vêtu de noir, qui était un greffier. Puis il revint se placer auprès de Christophe, auquel il dit fort doucement : — Mon ami, le chancelier ayant appris que vous refusiez de répondre d’une manière satisfaisante à mes demandes, a résolu que vous seriez appliqué à la question ordinaire et extraordinaire.

— Est-il en bonne santé et peut-il la supporter ? dit le greffier au médecin.

— Oui, répondit le savant qui était un des médecins de la maison de Lorraine.

— Eh ! bien, retirez-vous dans la salle ici près, nous vous ferons appeler toutes les fois qu’il sera nécessaire de vous consulter.

Le médecin sortit.