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cave. Le grand-prévôt venait lui même chercher Christophe. Cette sollicitude pour un homme qu’on avait laissé dans son cachot sans nourriture parut singulière à Christophe ; mais le grand déménagement de la cour avait sans doute empêché de songer à lui. L’un des sergents du prévôt lui lia les mains avec une corde, et le tint par cette corde jusqu’à ce qu’il fût arrivé dans une des salles basses du château de Louis XII, qui servait évidemment d’antichambre au logement de quelque personnage. Le sergent et le grand-prévôt le firent asseoir sur un banc, où le sergent lui lia les pieds comme il lui avait lié les mains. Sur un signe de monsieur de Montrésor, le sergent sortit.

— Écoute-moi bien, mon ami, dit à Christophe le grand-prévot qui jouait avec le collier de l’Ordre, car ce personnage était en costume à cette heure avancée de la nuit.

Cette petite circonstance donna beaucoup à penser au fils du pelletier. Christophe vit bien que tout n’était pas fini. Certes, en ce moment, il ne s’agissait ni de le pendre, ni de le juger.

— Mon ami, tu peux t’épargner de cruels tourments en me disant ici tout ce que tu sais des intelligences de monsieur le prince de Condé avec la reine Catherine. Non-seulement il ne te sera point fait de mal, mais encore tu entreras au service de monseigneur le lieutenant-général du royaume, qui aime les gens intelligents, et sur qui ta bonne mine a produit une vive impression. La reine-mère va être renvoyée à Florence, et monsieur de Condé sera sans doute mis en jugement. Ainsi, crois-moi, les petits doivent s’attacher aux grands qui règnent. Dis-moi le tout, tu t’en trouveras bien.

— Hélas ! monsieur, répondit Christophe, je n’ai rien à dire, j’ai avoué tout ce que je sais à messieurs de Guise dans la chambre de la reine. Chaudieu m’a entraîné à mettre des papiers sous les yeux de la reine-mère, en me faisant croire qu’il s’agissait de la paix du royaume.

— Vous n’avez jamais vu le prince de Condé ?

— Jamais, dit Christophe.

Là-dessus, monsieur de Montrésor laissa Christophe et alla dans une chambre voisine. Christophe ne resta pas longtemps seul. La porte par laquelle il était venu s’ouvrit bientôt, donna passage à plusieurs hommes, qui ne la fermèrent pas et qui firent entendre dans la cour des bruits peu récréatifs. On apportait des bois et des